Odezenne – ‘Au Baccara’

Odezenne – ‘Au Baccara’

Album / Universeul / 12.10.2018
Délivrance contemporaine


Rares sont les groupes qui passionnent sur la longueur et à chacune de leurs sorties. S’il en est un en France qui semble depuis quelques années sur la bonne voie, c’est bel et bien Odezenne. A une période où certains s’interrogent sur ce que signifie exactement la pop française d’aujourd’hui, et sur la direction qu’elle est en train de prendre, le trio bordelais continue – lui – d’avancer et d’expérimenter sans trop se poser de questions, faisant ainsi tomber au passage les nombreuses barrières qui l’entourent, quitte à en déboussoler plus d’un.

Difficile effectivement depuis quelques années d’étiqueter la formation tant elle a su brillamment briser ses propres fondements comme pour mieux renaître, comme pour mieux se connaître. Jadis placée à mi chemin entre le rap underground de TTC et des sons beaucoup plus jazzy, la musique d’Odezenne n’a cessé d’évoluer depuis ses débuts, de Sans Chantilly en 2008 à OVNI en 2012. Dictée par l’art du sample, elle mettra finalement en sourdine cette facette musicale au profit d’une instrumentation inédite, originale, personnelle et singulière. En invitant ainsi les deux rappeurs Alix et Jacco à explorer de nouvelles sonorités et à s’adapter à de nouveaux tempos, le musicien du groupe Mattia offrait par conséquent à Odezenne sa nouvelle signature, et une identité propre : une démarche artistique entamée par l’EP Rien en 2014, puis confirmée par le désormais inoubliable Dolziger Str.2 (2015), album tournant dans une discographie frappée cette année d’un nouveau chapitre bluffant.

C’est devenu une habitude : à chaque disque, Odezenne remet tout en jeu et élargit son champ des possibles. Et c’est une fois de plus le cas sur Au Baccara, où le groupe s’enrichit ici de nouvelles inspirations, de nouvelles trajectoires, et innove dans ses méthodes de travail en continuant d’expérimenter sur des instruments moins habituels. Moins de guitares et de batteries, plus de synthés vintage et de boites a rythmes mythiques, le trio redéfinit son son avec une spontanéité lumineuse, et semble prendre de plus en plus de plaisir à s’engouffrer sans complexes dans cette création qui est la sienne. Ici chaque titre est une poésie, une déclaration d’amour (Nucléaire, Tony) ou bien un manifeste de liberté et d’insouciance (Pastel). Les trois garçons continuent de s’interroger avec mélancolie et tendresse sur le temps qui passe à toute vitesse (Lost, Jacques a Dit), sur les questions existentielles de l’amour et de toute une génération (James Blunt), sur le monde dans lequel ils vivent (En L, Bonnie), parfois même avec hargne et colère (la joute verbale BNP). Les bordelais offrent même ici ce qui restera comme l’une de leurs meilleures chansons à ce jour avec la valse quasi christique Au Baccara, le vrai temps fort de ce disque.

Ce nouveau chapitre d’Odezenne est un disque parfait, fait à l’ancienne mais résolument moderne, à moins que ça ne soit l’inverse. Assurément l’un des albums français les plus réussis du moment, et plus globalement le véritable chef d’œuvre intemporel d’un groupe d’individus pouvant se féliciter d’être parmi les meilleurs observateurs de notre époque.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Nucléaire, Bébé, Bonnie, Au Baccara, Pastel, Tony


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