
05 Sep 23 Noname – ‘Sundial’
Album / AWAL / 11.08.2023
Hip hop
Voilà maintenant trois albums qu’avec ses grands yeux ouverts sur le monde, Noname déverse ses textes, son phrasé et son sens aigu de l’observation de son environnement immédiat. Un environnement qui prend ses marques à Chicago d’où elle est originaire et où elle grandit au milieu des livres de la librairie de sa mère. Très vite sensibilisée à la notion d’engagement par les écrivains afro américains qu’elle lit alors, celle qui va d’abord écrire sa propre poésie va ensuite s’orienter progressivement vers le slam, jusqu’à atteindre cette diction rappée/parlée qu’elle ballade encore aujourd’hui avec douceur tout au long de Sundial.
Si l’apaisement de sa voix se poursuit au fil de sa discographie, un net contraste se distingue ici. En effet, alors que Room 25 était un album de déracinement, inspiré par son déménagement en Californie et plongeant l’auditeur dans une spirale de récits intimes, Sundial apparaît comme un nouveau chapitre aux accents plus sarcastiques, où l’empowerment et les luttes politiques absorbées et lessivées par le capitalisme marchand sont tout du long réprimées.
Ainsi, à mesure que les morceaux défilent, les actions militaires d’Obama sont pointées du doigt (Hold Me Down) avant que les figures de Jay-Z, Beyoncé, Kendrick Lamar et Rihanna – étrillées pour leur participation au SuperBowl – apparaissent au détour d’une rime de Namesake. Là, drapée d’une fausse tranquillité dont elle a maintenant fait sa marque de fabrique, l’artiste dénonce les contradictions de figures canoniques, sans pour autant s’en exclure. En effet, témoignant d’un certain art de la nuance et de l’autodérision qui connait peu d’équivalent au sein du hip hop américain, Noname s’installe elle-même sur le banc des accusés en évoquant sa participation au festival Coachella, événement incarnant une ‘société blanche’ où elle avait pourtant juré ne jamais se produire.
Actrice essentielle de la musique engagée américaine, profondément impliquée au sein de la communauté noire dont elle est une fervente militante (Black Mirror, Beauty Supply, Gospel?) mais qu’elle n’hésite pourtant pas non plus à écorcher (Hold Me Down), Noname n’est donc pas sans contradictions ni fissures dans son engagement. Critiquée pour certains sur le fond, notamment pour les paroles tenues par Jay Electronica et qu’elle a accepté d’intégrer à Balloons, Fatimah Nyeema Warner l’est beaucoup moins sur la forme, et sa performance sur Sundial ne manque pas d’en attester. A tel point que ce troisième long format installe pour de bon Noname parmi les artistes actuels les plus singuliers, capables de jongler avec l’humour, la provocation et la franchise avec la même habileté, tout en assumant qu’il y ait un peu de casse au passage.
A ECOUTER EN PRIORITE
Balloons, Boomboom, Namesnake, Beauty Supply, Gospel?
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