Nerlov – ‘Pas Si Grave’

Album / On And On / 17.05.2024
Electro pop

On découvrait Nerlov à Bourges en 2022 lors d’un concert remarqué au célèbre 22, à l’occasion des Inouïs, temps fort destiné à présenter en flux tendu des artistes ‘émergents’ aux professionnels de la profession (et un peu aussi à un public curieux). Les plus pointus connaissaient déjà le travail de Florent Vincelot repéré d’abord aux côtés de Zenzile, Sheraf ou SanCarol puis commençant à éclore grâce à son premier projet solo, VedeTT. L’angevin apparaissait ce jour-là sur scène avec sa dégaine chancelante de boxeur sonné, casquette vissée sur la tête, short large, chaussettes remontées jusqu’aux mollets avec l’air de vouloir en découdre avec la terre entière. Instrus puissants et textes acérés, moustache imposante, l’assemblée fut vite captée par cette enfilade de pop songs cyniques et redoutables issues de ses deux EP –  Je Vous Aime Tous sorti en avril 2020, Prophéties en octobre 2021 – qui promettaient déjà beaucoup. Il saute enfin le pas aujourd’hui avec son premier album, l’attendu et très addictif Pas Si Grave – produit et mixé par le fidèle Atom (C2C, Beat Torrent) – qui confirme tous les espoirs placés en lui lors de cette soirée printanière dans le Berry.

Dans la lignée de ses productions synth-pop précédentes, le ton change cependant et surprend d’emblée avec des titres bien plus up-tempo qu’auparavant, dansants certes mais pas franchement plus joyeux. L’éponyme Pas Si Grave en ouverture (single imparable taillé pour cartonner) fait preuve d’un optimisme bienvenu en portant fièrement un message générationnel sur l’acceptation de soi avec ses petits ou gros défauts. Personne n’est parfait, et chez Nerlov, vous pouvez venir ‘comme vous êtes’ comme dit le slogan d’une chaîne bien connue de fast-food chez qui ‘Y’a rien à bouffer / Pourtant ça rend gros / C’est fou / C’est faux’. Un hymne limpide qui rappelle que le chanteur n’est pas là pour séduire ou faire joli, tout en charmant son monde avec distance, malin.

Toujours nonchalant et terriblement frontal, Nerlov nous livre ses états d’âme en cascade tout en portant un regard décalé aussi bien sur le monde qui l’entoure que sur lui-même, sans indulgence mais avec une certaine tendresse (C’est Raté). Un ego-trip où défilent en continu petites et grandes déceptions de la vie racontées avec humour cinglant et fatalité désarmante, comme sur le touchant Plus Lent, ou l’engourdi Disparaître (‘Des fois j’veux enterrer mon voisin d’à côté mais ça va’) tellement dépressif qu’il en devient jouissif.

Fort de ses expériences précédentes, Nerlov s’amuse avec délectation à améliorer encore sa formule, certain d’avoir trouvé la recette idéale qui mêle tout à la fois folie douce et réalisme amer, electro-pop et hip-hop, crise de NER et excès de LOV. Porté par des mélodies entêtantes et familières dès la première écoute, Pas Si Grave déborde aussi de punchlines tranchantes et de titres marquants dans lesquels, avouons-le, on peut tous à certains moments se reconnaître (Et Toi, Pas Tant, Quel Dommage). De quoi rejoindre Zed Yun Pavarotti, Zaho de Sagazan, Johnny Jane ou Odezenne parmi les artistes majeurs de cette nouvelle pop made in France décomplexée vis-à-vis du passé, ancrée dans un présent nébuleux, inquiète pour l’avenir… Le regard rivé sur leur nombril.