Mudhoney – ‘Plastic Eternity’

Mudhoney – ‘Plastic Eternity’

Album / Sub Pop / 07.04.2023
Grunge

Lors des gros épisodes pluvieux à Seattle, qui n’est pas surnommée Rain City pour rien, le réseau des égouts est vite saturé, et des eaux non traitées débordent dans le canal qui coupe la ville en deux. Pour remédier à ce problème de salubrité publique, la municipalité a entrepris de creuser un gigantesque tunnel de stockage des eaux usées. La population locale a voté pour baptiser la foreuse de cinq mètres de diamètre en charge des travaux, et a choisi le nom de Mudhoney, en hommage aux vétérans du grunge. Ce n’est certes pas un prix reçu devant un parterre de célébrités plus glamour les unes que les autres, mais une attention qui a dû faire plaisir au groupe tant elle marque son influence locale. Ce genre de distinction en provenance du grand public arrive souvent lorsqu’un artiste a pris un virage consensuel, que le temps a poli les aspérités. Qu’on se rassure, ce n’est pas du tout le cas de la bande de Mike Arm à l’heure de la sortie de Plastic Eternity, son onzième album studio.

Depuis ses débuts, le groupe se nourrit de son indignation face à la violence ou l’absurdité de notre société, aux politiques économiques et guerrières menées par les gouvernements américains qui se sont succédés. Leur précédent album Digital Garbage traitait de la révolution numérique, qui manifestement les dépassait. Ici, et ce n’est pas vraiment une surprise, il est question d’écologie, et donc de l’ennemi récurrent qu’est le plastique, symbole de notre consommation démentielle. Les inondations succèdent aux avalanches d’immondices déferlant sur les climatosceptiques en tout genre.

L’attaque pourrait sembler facile et dans l’air du temps, ce qui n’est pas faux, mais Mudhoney le fait avec son ironie habituelle et évite ainsi le piège du premier degré. Cry Me An Atmospheric River n’a plus grand chose à voir avec le standard jazz de Julie London,  le climat se déchaîne sur un groove parfait et se moque bien du sort des humains qui grouillent sur le plancher. Au Nord Ouest des Etats Unis, on a apparemment encore du mal à concevoir ce qu’est une sécheresse, l’apocalypse selon ces légendes du grunge viendra donc par le déluge, comme au siècle de Noé. Et quand on arrose à tout va, il est bon d’accepter quelques éclaboussures. Mike Arm retourne donc le jet d’eau contre lui le temps de Little Dogs où il fait preuve d’autodérision en chantant son faible pour les chiens de sac à main. On a même droit à une deuxième déclaration d’amour – c’est beaucoup pour un album de Mudhoney – lorsqu’il avoue penser constamment à Tom Herman – guitariste de Pere Ubu, groupe expérimental considéré comme l’un des fondateurs du post punk – et se demander ce qu’il est devenu.

Et la musique alors ? Rien de bien nouveau, mais toujours aucune once de pathétisme chez ces quinquagénaires que la vie use comme tout un chacun, sans pour autant avoir une quelconque emprise sur leur oeuvre. Comme si la dose de dérision et d’ironie qui caractérise aussi bien leur musique que leur personnalité les protégeait. Sa capacité à s’indigner restée intacte, nul doute que Mudhoney va continuer de sortir les chiens entre deux averses, et s’abreuver de l’évolution de notre société pour publier de nouveaux brûlots dignes des précédents.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Souvenir of my Trip, Almost Everything, Cry me an Atmospheric River


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