Moon Gogo – ‘Joy’

Moon Gogo – ‘Joy’

Album / Havalina / 26.01.2018
Avant garde


Figure centrale et bien connue de la scène nantaise, Federico Pellegrini (ex-Little Rabbits) joue encore du projet inattendu pour nous surprendre. On pourrait s’être habitué, mais non. Il y a d’abord eu un album en duo avec Helena Noguerra en 2005 (le Bang ! de Dillinger Girl and Baby Face Nelson) puis le projet French Cowboy, obstiné à placer les frontières du Mid West en Loire-Atlantique (ou l’inverse), et enfin sa collaboration avec la formation jazz Western Trio. Mais rien n’annonçait l’autre perturbation géographique à venir, celle engagée avec Moon Gogo depuis 2013. Fondé presque par hasard sur les bases d’une commande institutionnelle, le projet voit s’associer notre homme du jour à la musicienne coréenne E’Joung-ju, joueuse de geomungo, un instrument à corde sacré en Corée et employé depuis à peu près 1500 ans là-bas.

Voilà l’écart qui se joue d’emblée à l’intérieur du duo et le projet hasardeux dans lequel il s’embarque : réunir deux cultures musicalement et géographiquement opposées. Heureusement, il n’est pas question ici du cas François & The Atlas Mountains. Sur un premier album surprise en 2015, Moon Gogo montrait déjà des intentions louables. A défaut d’ouvrir leur propre brèche, les deux musiciens superposaient leurs styles dans une synthèse agréable parce qu’humble. Avec Joy, l’ambition s’affirme paradoxalement dans une approche plus dépouillée et fusionnelle. Ici pas d’effets de manche, ni d’arrangements et encore moins de structures pop. La voix lancinante de Federico et le geomungo d’E’Joung-ju avancent au même rythme, seulement accompagnés par quelques accords de guitare saturés (The Start, Sally’s Gone, Panema), de mélodies basses ou des notes de clavier cheap répétées à l’envie (Good Enough).

Résultat : on est happé par la douce étrangeté de cette production aride et son côté trippesque – souligné par les gammes inflexibles du geomungo. L’instrument, de par sa sonorité et son langage musical, provoque un basculement hors des sentiers balisés de la musique tonale occidentale, et c’est bien logiquement ce qui le rend si captivant à l’oreille. Mais plus fort encore, c’est qu’il n’y a plus d’un côté ‘le Français’ et de l’autre ‘la Coréenne’. Mieux qu’un collage expressif, Moon Gogo invente le krautrock apatride, et ringardise en même temps l’étiquette fourre-tout de world-music. Preuve que l’irrévérence est encore le meilleur moyen d’écarter les vains discours essentialistes.

Seulement, on aurait aimé que le tandem lâche complètement la bride par endroit pour nous envoyer définitivement remuer sur les pistes. Après tout, Good Enough avec son rythme binaire et ses harmonies (clavier-geomungo) hypnotiques en a les moyens. Et puis, on peut tout à fait rallier Nantes à Séoul en passant par Détroit. Mais ne minorons pas le geste créatif déjà à l’œuvre, bien plus significatif que d’autres disques ‘musiques actuelles’. Alors attendons la suite, elle pourrait être encore plus surprenante.

VIDEOS
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Good Enough, You Say I, Sally’s Gone, Panema


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