Mock Media – ‘Mock Media II’

Mock Media – ‘Mock Media II’

Album / Meat Machine / 17.11.2023
Art punk

2023 a été une année transitionnelle et complexe pour les musiques mises en avant sur ce site. On parle ici de trouver des albums avec du cœur, du corps, et un contenu qui va au-delà d’un recyclage de codes déjà balisés pour y injecter un indispensable supplément d’âme. De disques qui soient personnels sans être hermétiques, riches sans être fouillis, variés sans être inégaux. Entre les valeurs sûres effectuant un retour en demi-teinte et les jeunes pousses encore brouillonnes, le compte n’y était pas. Il nous fallait la synthèse rassemblant en un seul creuset l’expérience, la classe, le fun, le profond, l’énergie communicative, la curiosité stylistique, la maîtrise des textures et le plaisir de jouer ensemble. Le tout sur une ligne claire, lisible. Il nous fallait des funambules, dont le moindre mouvement – y compris le plus subtil, le plus infinitésimal – capte l’attention d’une seconde à l’autre.

Mock Media est de cette trempe-là. Sur son premier véritable album Mock Media II – prenant la suite du EP éponyme sorti en 2019 – le groupe canadien tient les promesses émises par les extraits déjà diffusés ces dernières semaines. Et il se permet même quelques surprises bienvenues. ILL ouvre ainsi le bal sur une note mystérieuse, à la fois dansante, cérébrale et décalée. Canevas dub, clavier obsessionnel, solo de saxophone un peu louche tout droit sorti de la Black Lodge de Twin Peaks… Lee ‘Scratch’ Perry meets This Heat. On se rapproche plus d’une introduction posant une ambiance qu’une véritable chanson, mais le ton est donné : Mock Media ne sera jamais là où vous croirez les avoir cernés. Et pourtant le charme opère.

Chaque titre vaut le détour. Hymne racé, Louis Won’t Break convoque le fantôme de Joe Strummer et l’utopie global village et sound system de Sandinista, avant que Father Of That Crime n’insère les premiers grooves et entrelacs afro-beat du disque, suivis par un bataillon de flutes enjôleuses sur Rambo. Et à partir du milieu de parcours, Mock Media fait mieux que charmer, il sidère. Chaque riff anguleux et chaque singalong ‘rudeboy’ dans Modern Visions, bondissant et addictif premier single de l’album, fait écho à un autre riff ou une autre accroche vocale au sein de ce joyau – joyau qui se paye même le luxe d’un court pont synth-pop sans jamais perdre le fil de ce qu’il raconte. Du pur génie.

Madness est un autre miracle : l’essentiel du titre adule une nouvelle fois le totem Clash avant de soudainement passer à… Crosby, Stills and Nash (!), grâce aux soyeuses harmonies vocales early seventies qui se déploient lors de son court final. Qui a touché à la fréquence radio ? Et pourquoi c’est si beau comme ça ? Transition parfaite avec Reason, ballade gracile certes, mais ballade avec un ‘B’ majuscule (Beatles, Beach Boys, Big Star). Puis on se retrouve en plein cœur de l’Afrique avec Touch The Ground, dont on imagine sans peine le potentiel festif en live. Get On The Ship ralentit le tempo, mais part de ce même continent pour suivre le voyage déchirant de migrants fuyant la misère et la mort. Ce faisant, Mock Media unit traditions noires et rock blanc dans la même écrin sincère et sensible, comme un appel à mettre à bas le concept même de frontière. Et si The Weight Is On Me semble vouloir conclure le voyage sur une note plus personnelle, sa tapisserie de cuivres quatre étoiles et son beau refrain chanté dans une harmonie blue-eyed-soul témoignent de la même émotion universelle. Un closer magnifique, qui hantera longtemps notre esprit.

Avec des membres possédant un C.V. allant du solide (Painted Fruits, NOV3L) à l’incontournable (Crack Cloud, Pottery), Mock Media aurait pu être un supergroupe de plus et rien d’autre. Mais en ne gardant que le meilleur de leurs formations d’origine – avec ouverture d’esprit mais sans éparpillement inutile, avec une dose d’ambition mais sans grandiloquence, avec fraîcheur mais aussi une certaine exigence – les canadiens font beaucoup mieux que ça. Quelque part dans les rocheuses, dans la petite ville de Vernon, bordée par les lacs cristallins et les montagnes éternelles, quatre aventuriers ont construit avec des méthodes quasi-DIY des portails inter-dimensionnels leur permettant de parcourir le monde à l’envi, de l’observer et d’essayer de le comprendre. Dans une époque rongée par le formatage et le repli sur soi, une telle invention est aussi excitante que salvatrice. ‘The beat goes on and on’, déclame Mock Media sur le refrain de Louis Won’t Break. On espère que le cœur de cette musique-là, et de l’utopie qui l’accompagne, continuera à battre pour longtemps encore.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Modern Visions, Louis Won’t Break, Madness, Get On The Ship, The Weight Is On Me, ILL


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