MGMT – ‘Loss Of Life’

MGMT – ‘Loss Of Life’

Album / Mom + Pop / 23.02.2024
Indie pop

Sous aucun prétexte je ne veux avoir de réflexe malheureux, il faut que tu m’expliques un peu mieux comment te dire adieu‘ chantait Françoise Hardy dans un morceau signé Gainsbourg en 1968.

On l’avait quitté sur des relents nostalgiques eighties, sables mouvants à la surface desquels le duo du Connecticut parvenait encore à nous faire danser tout en regardant dans le rétroviseur. Avec Little Dark Age, MGMT semblait préparer un nouveau terrain de jeux, cours de récréation électro-rétro rapidement investie par une poignée de remixes, de multiples collaborations puis deux single hypnotiques, sans oublier bien-sûr l’exhumation du bootleg composé d’inédits 11.11.11. Mais lorsque l’on bâti des châteaux de sables, il faut bien s’attendre à ce que ceux-ci s’effondrent un jour. Jusqu’à laisser derrière soi un désert, avant de s’y enliser soi-même définitivement.

Mother Nature, le très beau premier single du disque – et de loin son meilleur morceau – sonne à la fois comme des retrouvailles évidentes, porteuses de cette patine acide typique du duo, sans pour autant tomber dans les affres de la répétition ; un piège que MGMT, il faut bien l’admettre, a toujours su éviter. Seulement voilà, lorsque l’on se positionne en tant que tête chercheuse des genres et des influences, il faut avoir un sacré bagage sans quoi le vide se fait et le néant apparaît. Sur Dancing In Babylon, le groupe se perd ainsi dans un slow maniériste franchement pénible, ni drôle ni pertinent, kitch à souhait et aussi dépassé que les productions habituelles de Christine and The Queens venu prêter ici main forte (ou plutôt voix faible) au duo. Un titre qui ne va nulle part et surtout héritier d’un son dont nous pensions être rescapés, à tort. Pas mieux sur People In The Streets, et ce en dépit d’excellentes paroles, vrai point fort du disque. Mais le son rappelle, lui, plus Lionel Ritchie que Prince ou Fleetwood Mac, entre autres références  perceptibles, à l’image du lénifiant Nothing Changes qui manque sa cible malgré une deuxième partie plus audacieuse marquée par de séduisantes percées jazzy.

Commençant comme une balade de Syd Barrett, Bubblegum Dog rappelle par son approche baroque et ses saturations électroniques la première période de la formation. Mêler synthés qui tâchent, arpèges au clavecin et solo de guitare sous haute distorsion, qui d’autres que MGMT peut parvenir à réaliser ce patchwork impossible sans (trop) se planter ? Reste que la dimension freak du morceau est plus étonnante que réellement percutante. Même constat sur le dispensable Phradie’s Song qui, malgré les discrets relents d’une écriture contrapuntique façon fugues de Bach et un dernier segment extatique, nous plante au beau milieu de nulle part après avoir passé son temps à hésiter entre plusieurs directions. Un manque d’engagement qui fige le disque dans un catalogue de pistes avortées nous baladant sans entrain vers des terres stériles. De ballade, il en est pleinement question avec Nothing To Declare, morceau d’un étonnant dépouillement, légèrement moins inoffensif qu’il n’y paraît, venant tutoyer certaines productions de Simon & Garfunkel. C’est dire là où nous en sommes. I Whish I Was Joking nous fait espérer, justement, que tout cela n’était qu’en effet qu’une vaste blague ; mais vu sa longueur, avec les 45 minutes que dure l’album, ce n’est forcément pas la meilleure.

Rien à déclarer alors ? En tout cas pas de façon ostensible, même après une demi-douzaine d’écoutes. Il y a bien ça et là quelques gimmicks, quelques idées qui auraient pu donner naissance à un grand disque. Mais la production gluante et volontairement datée de Patrick Wimberly en aura décidé autrement. Même l’éponyme Loss Life, reprenant dans sa seconde partie introductive les vers d’un obscur poème du XIIIème siècle consacré au barde Taliesin, figure célèbre de la mythologie Galloise du début du Moyen-Âge, se plante en beauté.

Un peu à la façon du Everything Now d’Arcade Fire, cinquième acte apparaissant comme l’album de trop après quelques avertissements semés tels des indices dans ses productions précédentes, ce cinquième disque de MGMT sonne comme un adieu pour ceux qui espéraient encore du groupe quelque chose de pertinent, d’excitant, de captivant. Alors Loss Of Life peut-être pas, mais loss of inspiration ou loss of time, assurément.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Mother Nature, Nothing To Declare

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