21 Oct 18 Mermonte – ‘Mouvement’
Album / Room Records / 19.10.2018
Grande pop
‘Je définis le style de Mermonte comme Pop. Ce qui est, pour moi, très différent de la musique que certains compositeurs écrivent pour faire des tubes. C’est un genre à l’écriture complexe, mais qui peut toucher un large public’. C’est ainsi que Ghislain Fracapane nous parlait de sa musique il y a seulement quelques semaines (lire l’interview ici), à la veille de la sortie du troisième album de son collectif à géométrie variable, appliqué depuis 2012 à atteindre son ambition de toujours : celle d’un répertoire exigeant mais accessible, désormais touché du doigt à force de perpétuelles remises en question. Car si la musique de Mermonte ne passera sûrement jamais sur les radios les plus populaires du pays, pas de doute que ce nouveau disque contient assez de pépites pop capables de parler à toutes les oreilles, de la plus passive à la plus exigeante.
Quatre ans après un Audiorama volontairement tourné vers le live, Mouvement se dresse telle une démonstration. Jamais présomptueuse, guidée par une maitrise incroyable, un savoir musical parfaitement intégré, et des influences de moins en moins perceptibles, celle nouvelle salve inscrit définitivement ses géniteurs au rang des plus belles exceptions enregistrées par une musique française qui a trop rarement pu se targuer d’une telle aisance naturelle à composer de la grande musique, comme d’une telle cohérence dans la diversité (Storkow, Air).
Paradoxalement pourtant – et bien que le groupe convainc sans peine en matière de pop universelle (Acroamatic), d’arpèges folk émouvants (le bien nommé Fahey), d’indie rock intense (Motorique), de krautrock enivrant (Lude), ou d’orchestrations aux ambiances cinématographiques (Atma) – c’est en donnant plus d’importance que jamais au chant que les bretons en sont arrivés à illuminer leur musique de mille feux. Plus claire, plus mature dans son exécution, frappée d’arrangements – de cordes notamment – plus canalisés mais définitivement mieux mis en valeur (Acroamatic), la pop de Mermonte devient soudainement évidente, et peu importe que le groupe reste centré sur lui-même ou mette tout son talent au service de voix invitées. C’est même dans ce contexte précis que Mouvement laisse éclore ses plus belles fleurs : quand la douce voix de Devin Yüceil (Delta Sleep) surfe sur les rondeurs d’un Time Travel au relief intéressant, que celle de Stuart Smith (TTNG) se suffit d’une guitare et de cordes pour souligner toute son émotion (X3_X13), ou que Laetitia Sadier (Stereolab) ramène soudainement l’auditeur non loin des seventies (Le Cri de l’Appelant).
Mais c’est sans compter la collaboration la plus prestigieuse et réussie de ce nouvel album, témoignant humblement au passage de l’immense talent de Mermonte. En effet, difficile de croire à l’écoute du magnifique Les Forces de l’Ailleurs que Fracapane et ses acolytes n’avaient pas pensé à Dominique A avant même de composer ce titre parfaitement taillé pour lui. Trouvant là parfaite chaussure à son pied, cette figure mythique de la chanson française ne s’est pas faite prier très longtemps pour y poser sa poésie avec une classe telle que l’on rêverait de voir cette complémentarité évidente se prolonger tout au long d’un album. Une récompense évidente pour Mermonte qui, armé de ce Mouvement énivrant à vous filer le tournis, voit son exigence de tous les instants le porter vers toujours plus de grâce, de douceur, de profondeur et d’émotion. Que cette ascension, porteuse de tant de fierté, dure encore longtemps.
A ECOUTER EN PRIORITE
Time Travel, Motorique, Le Cri de l’Appelant, Les Forces de l’Ailleurs, Lude, Air
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