
09 Fév 24 Meltheads – ‘Decent Sex’
Album / Mayway / 09.02.2024
Punk rock
Débarquant d’Anvers, dans la région flamande de Belgique, voici venir les très énervés et très jeunes Meltheads, pratiquant un punk rock véritablement frénétique mais pourtant assez inventif, n’hésitant pas à l’occasion à balancer des titres plus pop à l’efficacité mélodique fédératrice. Un groupe vraiment malin pourrait-on dire, capable d’être clivant pour, l’instant d’après, s’imposer comme rassembleur. Ainsi, depuis ses débuts en 2019, Meltheads a versé dans le psychobilly (Disco Of L’Amore), le pop punk (Sweet Monica), le punk sous influence Sex Pistols (I Wanna Be A Girl) ou marqué par la New Wave (Naïef).
Déjà annoncé par rien de moins que cinq singles manifestant la dualité évoquée ci-dessus – ainsi que par une pochette quelque peu clinquante et aguicheuse – les belges sortent à présent leur premier album, Decent Sex, après avoir établi un peu partout en Europe leur réputation scénique en assurant la première partie de la tournée de dEUS, lui aussi originaire d’Anvers. Pour peu que l’on goûte l’urgence et la fureur, on sera parfaitement contenté. Mais Meltheads s’avère également assez ambitieux en construisant des morceaux qui ne sont pas que des brûlots punk répondant aux attentes habituelles en la matière, les habillant d’un son plutôt tranchant, avec des guitares davantage influencées par le post-punk originel, sans hésiter, parfois, à briser leur mélodie première pour la faire rebondir dans une autre direction. Decent Sex, le premier titre éponyme, en est le parfait exemple : ça commence avec des gifles de basse, un rythme effréné de batterie, une guitare acérée accompagnée d’une voix surexcitée pour, au bout de 1.20 minute, ralentir étrangement afin de laisser Sietse Willems, le chanteur, hurler à s’en arracher les cordes vocales, jusqu’à la fin, l’une de ses histoires d’amour sur un fond de volutes électriques tournoyantes. Efficacité d’abord, étonnement ensuite : de quoi poursuivre l’écoute avec intérêt. Night Gym et Vegan Leather Boots, dans la foulée, jouent également de ce procédé, mais de manière moins prononcée et en privilégiant l’efficacité du refrain final, braillard pour le premier titre, hymnesque pour le second. Ailleurs, avec I Want It All et Arbeit, ce sont de véritables boules de nerfs, compactes et directes, qui explosent aux oreilles de l’auditeur. A d’autres moments encore, avec le tribal White Lies ou avec l’hystérique et fascinant Theodore, des compositions plus étirées, sans véritables refrains mais fondées sur de lourdes rythmiques répétitives autour desquelles des guitares coupantes lardent l’espace sonore, séduisent par leur intriguant climat. On trouve même vers la fin, avant Melvin, ultime titre totalement survolté, un tube irrésistible, Screwdrivers, mêlant habilement glam et rock’n’roll, comme s’il débarquait directement du Rocky Horror Picture Show.
Decent Sex, ce premier album de Meltheads, est saisissant par la rage et la tension permanente qui l’animent, mais il impressionne également par la maîtrise dont il fait preuve et qui lui permet, à l’intérieur d’un ensemble dont la cohérence est maintenue avec une grande rigueur, de ménager régulièrement des surprises évitant de se savoir en terrain balisé. Ainsi les styles sont alternés sans complexe pour créer cette imprévisibilité faisant naître aussi bien une impression de psychotique menace qu’un désir jouissif et insouciant de lâcher-prise. On pense alors aux regrettés Eighties Matchbox B Line Disaster, qui savaient comme nul autre violenter leur musique afin de générer en un temps très court des émotions contradictoires. On retrouve souvent chez Meltheads cette même hystérie, mais avec un goût pour le glam festif qui l’éloigne régulièrement du niveau de danger auquel le groupe de Brighton s’est toujours maintenu et qui a finalement causé sa perte. Mais elle est peut-être là la force de cette jeune formation belge, dans cette volonté de créer une musique qui pourrait être le moyen d’un exutoire tout en assumant une certaine forme de légèreté plus accessible lui permettant d’être réceptive au monde et aux autres. C’est ce paradoxe qu’illustre avec habileté et ironie le titre de ce premier album, Decent Sex, car la sexualité n’est-elle pas cette pratique où le devoir de respecter l’autre cohabite avec la possibilité d’imaginer la transgression des normes ?
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