
19 Mar 24 Meatbodies – ‘Flora Ocean Tiger Bloom’
Album / In The Red / 08.03.2024
Rock psychédélique
Début juillet 2023, les Meatbodies donnaient un concert dans un bar de campagne, en plein Béarn. La veille, ils étaient au Pointu Festival dans le Var, le lendemain à Barcelone et deux jours plus tard à Bordeaux. Si, vu de notre petite Europe soucieuse de son empreinte carbone, ces allers-retours le long des Pyrénées semblent absurdes, il n’est pas certain que le trio américain ait relevé la chose, tant il est habitué aux longues distances des tournées sans fin. Malgré le look de Chad Ubovich, à la croisée du pêcheur à la mouche et de l’aoûtien allemand, et une date qui aurait pu paraître moins motivante que les autres, les californiens avaient empli la salle d’un mur de son assourdissant, bâti avec le plus grand des professionnalismes. Ces mecs ont l’air indéboulonnables lorsqu’ils sont sur scène, mais on ne voit pas l’envers du décor.
Si 333, l’album précédent sorti en 2021, avait été présenté par Ubovitch comme celui d’une sobriété nouvelle, mettant un terme à certaines addictions nées sur la route, Flora Ocean Tiger Moon, le titre de leur quatrième effort, fait aussi suite à de sérieux problèmes de santé et quelques séjours à l’hôpital. Il est ressorti de ces épreuves un besoin d’approfondir des thèmes comme l’amour et la perte, le défaitisme et l’hédonisme, là où les travaux précédents ont été réévalués comme superficiels par le leader. Cette dernière phrase a déclenché l’alarme ‘disque chiant’ chez certains, mais restez là. Plusieurs artistes ont avoué avoir vécu ces mêmes moments difficiles récemment, signe d’une époque qui n’est plus à l’insouciance. Et le garage est une des victimes de cette tendance, les tempos rapides du premier album éponyme des Meatbodies ayant progressivement laissé place à quelque chose de plus lourd et épais, proche du shoegaze. Le single Hole, preuve de cette évolution, évoque le grand vide ressenti une fois les problèmes personnels déjà mentionnés laissés derrière. Des motifs de guitare forment une spirale dans un épais brouillard de saturation, qui vous décolle du sol et de la réalité. C’est confortable, on dirait même du Smashing Pumpkins. Alors que Silly Cybin aborde le suicide dans une certaine décontraction, Billow ouvre au rythme d’un tambourin (non, Joel Gion ne figure pas dans la liste des invités) dans un esprit grungy plutôt cool, jusqu’au final fuzz délirant.
Loin de s’apitoyer sur leur sort et leurs déboires passés, Ubovitch et son groupe livrent un album fort en caractère où ils laissent parler toute leur créativité. Si l’aspect psychédélique de l’ensemble peut évoquer une coupure avec la réalité, certains morceaux trahissent une sensibilité pop alors que d’autres vont vers une intensité plus heavy et accrocheuse, tel Move avançant au ras du bitume et maintenant la pression plus de sept minutes, se perdant entre écho et solo pour mieux se recentrer au final. Meatbodies a toujours été considéré comme un satellite plus ou moins lointain de la galaxie Ty Segall, c’est quelque part injuste, et on ne peut qu’espérer pour eux que Flora Ocean Tiger Moon, sans conteste leur meilleur album à ce jour, viennent bousculer l’ordre établi.
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