
05 Avr 20 Maserati – ‘Enter The Mirror’
Album / Temporary Residence / 03.04.2020
Synth rock
Maserati – aujourd’hui stabilisé autour de Coley Dennis, Matt Cherry, Chris McNeal et Mike Albanese – en a beaucoup vu en 20 ans d’activité. Parmi les faits marquants, une mort précoce au sein du groupe, ainsi qu’une collaboration mythique avec Zombi (2009), assez marquante pour voir le quatuor se détourner de son post-rock honnête mais sans originalité au profit d’un space-rock psyché de plus en plus marqué par les nappes synthétiques et autres arrangements rétrofuturistes. Après cinq ans de silence, le voilà de retour avec Enter the Mirror, produit par le groupe lui-même et mixé par le couteau suisse John Congleton (Explosions In The Sky, Swans, Anna Calvi, Headcases…), apparemment bien décidé à fêter ses vingt ans de carrière avec un album-somme qui retranscrirait à la perfection l’énergie et l’efficacité de ses concerts. Et les quatre ont même invité leur potes d’Athens, Géorgie, pour l’occasion (dont l’ex-REM Bill Berry !)
Comme dans bien d’autres albums du groupe, tout commence par une introduction cinématique planante aux claviers, certes pas au niveau de l’impressionnant Who Can Find The Beast? qui ouvrait magistralement Pyramids Of The Sun, mais dont le nom involontairement symbolique – 2020 – laisse entendre que l’on aura bien des raisons de se souvenir de l’année en cours question dystopie et ambiance post-apocalyptique. Le nom du morceau suivant, A Warning In The Dark, reste dans cette thématique inquiétante, même si la musique elle-même, entre voix vocodées à la Daft Punk et riffs classic rock – voire hard FM – s’avère finalement plus bon enfant que véritablement anxiogène. Certes, le ciel est couvert, et à l’écoute de ces hooks de guitare noyés de delay et d’effets chorus, certains iront sûrement chercher les références du côté cette étrange mode du boogie-rock dans la synth-pop des eighties (INXS et Depeche Mode, bien entendu, mais on peut aussi aller chercher plus loin dans le temps, jusqu’au Black Betty de Ram Jam ou au Run Like Hell du Floyd période The Wall). A partir de là, Maserati déroule son programme avec une totale maîtrise de son sujet. Killing Time joue avec les différentes acceptions du mot ‘binaire’, kick et caisse claire au garde-à-vous, et robot encore bien glacial au chant. Et plus ‘motorik’ que Der Honing, tu meurs, que ce soit dans le sens ‘kraut’ ou ‘stoner’ du terme (excellente synthèse de ce qui relie les deux styles). Quant au mid-tempo transpercé de croches implacables de Welcome To The Other Side, il est sans surprise, mais tient ses promesses jusqu’au bout.
Tout cela est fort plaisant, mais au final peut-être un peu convenu aussi, comme si la maîtrise programmatique empêchait le supplément d’âme, la prise de risque – la machine prenant ici symboliquement le pas sur l’homme. Heureusement, le doublé final Empty – Wallwalker élève le débat vers les hauteurs que Maserati espérait atteindre dès le départ. Les synth-basses et la versatilité mélodique d’Empty officient l’improbable mariage entre Giorgio Moroder et Civil Civic. Et Wallwalker n’est rien d’autre que le tour de force de l’album, un ‘four-on-the-floor’ de huit minutes qui finit par installer une transe totale qui doit beaucoup au deep groove manquant tant jusqu’ici à la guitare basse, sans parler de l’infernale machinerie disco qui sous-tend rythmiquement l’ensemble. C’est là, lorsque les samples de voix soul concassés finissent par intervenir pour emmener ce titre vers un ailleurs que ne rien laissait imaginer au début d’Enter The Mirror, que l’on se prend à rêver à ce dont Maserati serait capable de faire en débridant une fois de plus ses instincts. Mais ils ont déjà pris ce genre de route par le passé. On peut donc rêver encore un peu.
A ECOUTER EN PRIORITE
Warning In The Dark, Der Honing, Empty, Wallwalker
No Comments