Mark Pritchard & Thom Yorke – ‘Tall Tales’

Mark Pritchard & Thom Yorke – ‘Tall Tales’

Album / Warp / 09.05.2025
Electro expérimentale

Depuis trois ans, Thom Yorke suit un rythme de sortie effréné. Après les trois albums de The Smile, la bande-originale du film Confidenza et la rumeur d’un possible retour de Radiohead, celui qui nous avait habitué jusqu’ici à un calendrier moins resserré continue ses digressions surprises. En s’associant cette fois-ci au musicien électronique Mark Pritchard avec qui il avait déjà initié une collaboration sur le morceau Beautiful People en 2016, il livre un curieux concept album où la voix et l’électronique – de préférence analogique – sont plus que jamais reines.

Au milieu des machines, on sait comme les deux artistes sont dans leurs éléments. Pourtant, à l’image du dernier Arcade Fire publié le même jour, il semble y avoir dans l’orientation synthétique du projet une forme d’impasse qui peine à faire exister réellement le fond au-delà de la forme. Qu’on ne s’y trompe pas : on ressent bien ici une alchimie entre le chanteur britannique et le producteur australien, dont la créativité est bien présente tout au long de ces treize morceaux constituant 61 minutes de musique d’une rare cohérence. Il y a bien cet amour des textures, ce souci des détails, cette science des tuilages électroniques. Mais nous aurions tort de ne pas admettre que certaines pistes et idées traînent quelque peu en longueur, malgré leur pertinence et leur qualité certaines, et ce dès le titre d’ouverture. A Fake In A Faker’s World déploie en effet des cycles harmoniques que seuls les timbres et nuances donnent l’impression de pouvoir faire évoluer, jouant notamment sur les contrastes entre ses nappes hypnotiques et ses arpèges métriques. Mobilisant autant les métaphores naturalistes (Ice Shelf, The White Cliffs) que les messages plus explicites (Back In The Game, The Spirit, This Conversation Missing Your Voice), il y a dans ce voyage parsemé d’images et teinté de figuralisme une ambition clairement esthétique qui ne relève plus simplement de la composition musicale. Parmi les pistes qui se détachent clairement de l’ensemble, l’onirique Bugging Out Again et son aura fantasmagorique fait alors mouche. Dans ses phases moins emballantes (Gangsters) qui virent parfois à l’anecdotique (Tall Tales, Wandering Genie) voire au franchement pénible (Happy Days), une forme de constat s’impose : Thom Yorke semble moins pertinent sans ses acolytes habituels ou ses producteurs fétiches (Nigel Godrich et Sam Petts-Davies). Certains clins d’œil savoureux – comme cet harmonium sur The Man Who Dance In Stag’s Head qui rappelle évidemment celui de Motion Picture Soundtrack – donne paradoxalement l’impression d’entendre un disque qui refuse véritablement de se tourner vers le futur malgré ses apparats.

Publié chez Warp, maison-mère d’une bonne poignée d’artistes qui l’ont profondément influencé, Thom Yorke semblait pourtant avoir toutes les cartes en mains pour opérer un nouveau miracle avec cet album. Le plus inspiré, le plus radical aussi. Mais le résultat final a du mal à s’émanciper de l’expérience visuelle auquel il est associé, au point de se demander si ce ne serait pas là le projet le plus faiblard du Britannique depuis la création de son supergroupe Atoms For Peace. Ce qui, loin s’en faut, ne fait pas de ce dernier un mauvais disque. Il y a en effet toujours, ne serait-ce que dans la voix ou les structures aventureuses, une grande part de magie dans ce que touche de près ou de loin le musicien d’Oxford, un de ses albums mineurs restant une oeuvre majeure vis-à-vis de la concurrence. C’est le lot de ceux qui, nous ayant habitué à l’excellence, se retrouve un jour à faire un disque qui n’accédera peut-être pas, cette fois-ci, au rang des chefs d’œuvres habituels. Dans une forme de continuité vis-à-vis de Tomorrows Modern Boxes ou d’Anima sans malheureusement tenir la distance avec la même constance, Tall Tales dissimule toutefois, sous ses aspects parfois carnavalesques, toujours une profonde mélancolie. Ce dont nous ne nous lasserons probablement jamais.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Bugging Out Again, Back In The Game, The Spirit, This Conversation Is Missing Your Voice


Pas de commentaire

Poster un commentaire