Maria W. Horn – ‘Panoptikon’

Maria W. Horn – ‘Panoptikon’

Album / XKatedral / 02.02.2024
Experimental ambient

Actuellement programmée en ouverture de la nouvelle tournée européenne des Swans, Maria W Horn révèle, avec son troisième album solo en cinq ans, l’étendue d’un univers spectral, presque surnaturel, où la liturgie païenne se dispute aux plus intimes arcs spirituels.

Composée et enregistrée dans l’ancienne prison panoptique de Vita Duvan, en Suède, cette œuvre accompagnant à l’origine une installation réalisée pour la Biennale de Luleå en 2020 comporte une force aussi artistique que politique. Dès 1856 et pendant plus d’un siècle, ce lieu de détention a vu en effet défiler entre ses murs des centaines de prisonniers dont, notamment, une cinquantaine de femmes accusées d’avoir avorté. Considérées comme des criminelles (leurs actes étant alors retenus sous le qualificatif de ‘meurtres d’enfants’), elles trouveront hélas, pour la plupart, rapidement la mort avec la prononciation de la peine capitale à leur égard, toujours pour le même chef d’accusation, et ce après avoir évolué dans un environnement plus qu’hostile à leur condition et à leur émancipation. Une histoire effroyable et honteuse qui résonne aujourd’hui avec virulence dans l’évolution des mœurs, de nos sociétés, et ici entre les sillons de ce disque forcément hanté, à la fois anxieux et profondément recueilli.

Accompagnée d’un artwork conçu par Stephen O’Malley de Sunn O))) et basé sur les plans originelles de la prison, cette demi-heure de musique divisée en quatre segments propose un voyage forcément lugubre, désespéré, entre prières et lamentations. On ressent alors dans sa dimension inéluctable et incantatoire cette architecture du mal, pensée pour épier, contrôler et annihiler le moindre fait et geste émanant des détenues, agissant comme une machine de mort sociale, à la fois humiliante et déshumanisante. Son ambiance étouffante, sa dimension austère, ses souffles et murmures glaçants s’incarnent ici dans les voix qui résonnent entre ces murs chargés d’histoire, comme dans Haec Est Regula Rect, témoignage de la détresse et de la souffrance de ces femmes victimes d’une insoutenable injustice perpétuée pendant des décennies.

Proche parfois des territoires explorés par Lankum l’an passé (notamment dans la dimension trad du sublime Längtans Vita Duva) mais évoluant dans des contrées plus froides encore, le projet de Maria W Horn, entourée ici par quatre choristes, résonne avec les chemins empruntés par sa compatriote Anna Von Hausswolff, autre muse gravitant autour du lac des Cygnes. Musique sacrée autant que profane, à la fois savante et profondément expérimentale, ce chant de la mort et de la désolation aux faux-airs de requiem donne à réfléchir sur l’héritage de notre humanisme, sur les différentes incarnations du mal et du patriarcat tout en lui attribuant une dimension artistique et musicale salvatrice, dédiée à la mémoire et aux combats contemporains.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Haec Est Regula Recti, Längtans Vita Duva


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