14 Juin 22 Magon – ‘A Night In Bethlehem’
Album / T Rex Recordings / 03.06.2022
Indie rock
Il est toujours agréable, avant d’écouter un disque pour la première fois, de prendre le temps de le regarder et de s’attarder sur sa pochette. Celle du quatrième album de Magon se voit sublimée par La Gravure de Flammarion, œuvre à haute portée symbolique découverte au 19ème siècle au beau milieu d’un traité d’astronomie. L’empreinte, magnifique, représente un pèlerin qui, convaincu d’avoir trouvé l’endroit où terre et paradis ne forment plus qu’un, décide de plonger dans l’inconnu et traverser la voûte céleste. Les étoiles, la lune et le soleil comme autant de nouveaux mondes à découvrir. Avant même d’entendre le vinyle crépiter, le ton est donné : A Night In Bethlehem s’annonce telle une expédition astrale en terra incognita avec, pour seuls compagnons de route, l’audace et l’envie.
La conquête stellaire du natif de Tel Aviv s’ouvre sur un étrange paradoxe. D’un côté, Halley, comète au cœur de glace qui revient pointer le bout de son museau tous les 76 ans. De l’autre, Alon Magen, stakhanoviste chaleureux qui préfère se rappeler à notre bon souvenir une fois tous les six mois (les Velvetiens Hour After Hour et Go-Betweenesques In The Blue, tous deux sortis l’an passé). Les opposés, parfois, s’attirent. Le naïf y verra la magie du quotidien et la mauvaise langue, une simple dichotomie. Le slacker qui sommeille en nous se laissera, quant à lui, simplement porter par le psychédélisme bien élevé d’Halley’s Comet. Plus tard, les petits gazouillis de clavier d’Ashley’s Bend lui rappelleront Grandaddy. Le storytelling nonchalant de Gabi Came In, digne d’un Lou Reed de proximité, l’amènera à prendre des nouvelles de Jonathan Richman et ses amoureux modernes. L’aérien A Night In Bethlehem, sommet incontestable de l’album, finira de le convaincre que viser la lune, certes, c’est bien mais tutoyer les étoiles, c’est mieux.
Parfaitement accompagné par une rythmique à la précision chirurgicale, Magon laisse les coudées franches à sa Stratocaster pour pimenter son récit et l’agrémenter d’anecdotes et autres clins d’œil. Indomptable jusqu’au bout des cordes, elle transforme un voyage un brin académique sur le papier en véritable trip gonzo proche du mystique. Débraillée tout en restant propre sur elle, la fidèle Fender, plutôt que de théoriser sur la trajectoire des aérolithes, préfère s’attarder longuement sur une scène de Liverpool-Manchester des 90’s qui mate, l’œil en coin, Frank Black danser cul nu sous la pluie (Fire On Fire, To Sam With Love ou encore la bien nommée Song Number 5). Grand bien lui en fasse. L’astronomie, ça va bien cinq minutes.
A Night In Bethlehem se voulait, à l’origine, un discret hommage à la mère patrie Israël. Sans pourtant s’éloigner de l’idée de départ, l’album s’avère au final un brûlot fait pour être partagé par le plus grand nombre. Dix morceaux taillés pour la scène que l’on a envie d’entendre, bruts de décoffrage et dénués de tout apparat, à un volume indécent. En prenant le soin, de temps à autre, de regarder les étoiles.
A ECOUTER EN PRIORITE
Halley’s Comet, Gabi Came In, A Night In Bethlehem, Ashley’s Bend
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