10 Jan 11 Magnetic Man – « Magnetic Man »
Album
(Columbia)
17/01/2011
Dubstep
Sur le papier, tout amateur de dubstep laisserait facilement échapper un filet de bave du coin de la lèvre. Magnetic Man, c’est Skream, Benga et Artwork, trois noms qui reviennent fréquemment dans les bouches des mélomanes anglais (mais pas que) et qui font partie intégrante de la genèse du genre. Mais attention, l’Angleterre peut être à un style de musique ce que l’asticot est à la pomme lorsqu’il s’y engouffre et se l’approprie pour mieux la pourrir. Ainsi, le dubstep semble suivre le même chemin que la pop ou la drum’n bass, tel un sous-marin qui remonte doucement à la surface contre son gré, qui se laisse porter par le courant pour aller s’échouer sur une plage commerciale et faire jubiler les mangeurs de soupe FM qui s’y dorent la pilule. Le secret, c’est donc de rester bien sagement au large, à cheval entre mainstream et underground, observant les uns en apnée et les autres à la longue vue. Depuis leur naissance en 2007 où ils donnaient des concerts anonymes derrière un drap blanc, les très influents Magnetic Man restent entre ces deux eaux, et mettent aujourd’hui le dubstep qu’ils ont créé au service de véritables chansons.
Après une introduction zen au piano à pouces (« Flying Into Tokyo »), le torchon se met à brûler au moment où Miss Dynamite lâche son flow de tigresse sur le méchant beat de « Fire ». Sympatoche, mais Magnetic Man peut mieux faire. Ils trouvent d’ailleurs le parfait compromis entre les lights fluos des clubs et la moiteur des caves avec le trancey et épuré « I Need Air », le big tune du disque! Certains morceaux sont à deux doigts de perdre pied comme le trop facile « Ping Pong », la drum’n bass (trop) popifiée de « Boiling Water », ou « Perfect Stranger » qui démarre comme un vieux Prodigy de 1992 avant que Katy B ne donne la fameuse touche de modernisme radiophonique qu’attend le grand public.
Avec le recul, le rendu n’est finalement pas si dégueulasse, mais l’album tient bon et on se paye quelques bonnes tranches de dubstep à l’image de « Mad » et sa mélodie synthétique et pachydermique, le mélange entre eurotrance et bassline en colère de « Anthemic », le ragga sombre et organique de « The Bug », l’apocalypse bien annoncée de « Karma Crazy », ou l’apparition finale du soulman John Legend qui fait son effet dans les coeurs.
Pour les plus accrocs, l’édition deluxe propose – en plus d’un superbe packaging – cinq titres supplémentaires, dont « Certified Banger » qui nous met le crâne dans un étau, ou le remix drum’n bass de « I Need Air » par Digital Soundboy contrebalancant celui de Redlight à éviter absolument. Magnetic Man propose ainsi une vision intéressante d’un genre qui n’a pas fini de muter, pour le pire et pour le meilleur. Dans tous les cas, aucune inquiétude pour le trio.
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