
11 Juin 25 Lùlù – ‘Lùlù’
Album / Howlin Banana / 06.06.2025
Power pop
Attention, Lùlù débarque, et ça va souffler fort. Déjà parce qu’il s’agit – sur le premier album du quatuor 1/4 Marseillais, 3/4 Lyonnais – d’entonner des hymnes power pop aussi fougueux que généreux. Ensuite parce qu’au-delà du côté fun de la démarche, transparaît dans chaque morceau ce désir si touchant et sincère de célébrer l’amitié, l’amour et plus généralement tout ce qui, en agrandissant nos horizons, aère nos esprits et fait battre plus fortement nos coeurs. Affirmer la force de ses convictions sans être pesant, exprimer sa joie sans être inconséquent, voilà le miracle accompli par ces musicien.ne.s expérimenté.e.s, dont les talents individuels sont mis au service de l’élan collectif et, même, sublimés par celui-ci.
Dès ses premières secondes, Lùlù, premier titre éponyme de ce manifeste inaugural très haut en couleurs avec son démarrage tonitruant à la Springsteen, nous précipite dans un tourbillon électrique plein d’humanité, donnant le ton de tout ce qui suivra. Les guitares de Théo Serre et Simon Perrin, magistrales, alternent riffs percutants et soli flamboyants ; la rythmique impressionnante de Sabrina Duval (basse) et Fanny Boulant (batterie), toute de fermeté et de précision, assure une dynamique débridée qui emporte tout sur son passage ; Luc Simone n’a alors qu’à profiter de cette instrumentation ressemblant à un bolide magnifiquement stylé pour poser son chant qui, s’il n’en fait pas des caisses, montre à chaque instant que ce dont il s’agit, c’est de carrément mettre en jeu sa vie. Ça crâne, mais avec un sens génial de la formule qui intime au réel soit d’être à sa hauteur, soit de la mettre en sourdine. Et lorsque le refrain annonce : ‘Viens, on sort, les chagrins on les noie, et demain on verra‘, on croit dur comme fer que les moments de partage ne sont pas de vains divertissements, mais bien ce qui peut justifier le fait même d’exister.
Lùlù, c’est bien simple, parle de cette voix qui jamais ne faiblira et toujours célébrera l’humain, envers et contre tout, ‘à la vie à la mort‘, comme le dit définitivement Luc Simone. Et cet album peut alors être de ceux dont on se réveille le lendemain de leur écoute avec le besoin – véritable – de le réécouter encore et encore, pour retrouver ce goût de la générosité qu’il exprime avec une si grande intensité. Avec simplicité mais détermination, cette musique nous raffermit en nous éloignant de tout ce qui abaisse ou étiole. Lùlù, c’est l’innocence de la fierté, l’exubérance de la connivence, le sublime de la compassion, mais aussi la fureur des premières réactions au rock qui électrisent, réveillent et font grandir. Il y a là tout ce qu’il faut pour, non seulement s’assumer, se relever, mais également se pardonner. Un concentré d’humanité, beau à en pleurer, joyeux à en crever, le majeur tendu jusqu’au bout à toutes celles et ceux qui voudraient nous faire croire que l’avenir n’est qu’un immonde dégueuli face à la belle et profonde fragilité de l’humain.
Il y a bien ces adresses aux nuages de Ma Si Ma Io, ou ce désir d’absolu d’En Rêve, reléguant aux oubliettes les banales historiettes de tous les jours ou les conversations convenues et superficielles. Toutefois, Lùlù ne perd jamais pied, il sait d’où il vient et où il va. L’exploration des origines se fait avec Terres Basses, et elle engendre, irrésistible, la soif de l’ailleurs qui s’affiche dans Tous les Etés ou Sonic Lyon, référence à la fameuse péniche sur la Saône où se sont noués des désirs pluriels. Et il y a le fond de l’affaire, cette conviction inébranlable manifestée dans Sur la Corde, que faire du rock n’est pas qu’un passe-temps dérisoire mais la découverte de soi et des autres, susceptible d’initier une aventure collective plus grande que nature et justifiant tous les sacrifices : ‘Dans les groupes de rock, on s’aime, on s’exaspère / Et je tire sur la corde / J’attends et j’espère / Ouais je tire sur la corde /C’est bien tout c’que je sais faire‘.
Donc Lùlù sait taper fort, séduire avec des riffs glam ou punk rock, faire chanter à coup de refrains bravaches, mais s’il se réclame entre autres de Sheer Mag, on ne parvient pas, en l’écoutant, à s’enlever de la tête le souvenir bouleversant de Big Star. Comme le groupe de Memphis, les Lyonnais.e.s – Marseillais font de la power pop avec une maîtrise technique évidente, mais sans jamais cacher leurs failles. Leur énergie est épatante, mais les conduit dans une course folle, sur une ligne de crête où la chute menace sans cesse. On peut bien s’amuser, jamais le sourire n’effacera ni les Coups Bas, ni l’espoir douloureux parce que sans cesse contrarié de faire de beaux rêves (Sogni d’Oro). ‘Là où la légèreté nous est donnée, la gravité ne manque pas‘ nous disait Maurice Blanchot, et c’est cette ambiguïté, follement humaine, qui nous fait aimer Lùlù, ‘à la vie, à la mort‘.
A ECOUTER EN PRIORITE
Lùlù, Sonic Lyon, Tous les Etés, Terres Basses, Sur la Corde
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