
22 Sep 23 Louis Jucker & le Nouvel Ensemble Contemporain – ‘Suitcase Suite’
Album / Hummus / 22.09.2023
Indie folk
Une nouvelle fois échappé de Coilguns, Louis Jucker s’associe aux cinq musiciens du Nouvel Ensemble Contemporain de La-Chaux-de-Fonds, sa ville d’origine en Suisse, pour une création réalisée avec un orchestre un peu spécial : une pléiade d’instruments-valises, tous pensés et confectionnés par ses soins. Autoharpe avec microphone intégré, machine à écrire percussive, claviers miniatures embarqués, circuits de traitements et d’effets, ce sont au total une douzaine d’instruments transportables qui vont circuler entre les mains des musiciens le temps de deux sessions, en juin 2020 puis en février 2022.
Un travail que l’on découvre aujourd’hui sous la forme d’un disque à la fois ludique et inspiré, d’une profonde humilité, loin du caprice conceptuel et formel qu’aurait pu générer ses fondations. On y croise des pistes country (On Their Knees) ou bluesy (First Count) au groove communicatif, de savoureuses envolées jazzy et psychédéliques boisées dominées par une clarinette hypnotique (Seasonable) mais surtout un réel souffle lyrique et organique que ce soit dans ses paroles mélancoliques ou dans ses mélodies hantées (My Windy Heart, The House We Let Them Take, Asylee). A travers un sens unique du parasitage (filtrages, saturations, granulations et réverbérations en tous genre), Louis Jucker dessine un monde où les oscillateurs, les énergies pulsatiles et les engrenages mécaniques sont rois. Pourtant, c’est avant tout le cœur et l’âme de l’artiste qui s’expriment ici à travers ces machines, artisanales toujours, et qui livrent à l’ensemble une charge émotionnelle indispensable à ce type d’entreprise. Car c’est bien dans ses percées les plus directes et intimistes que le disque touche en plein cœur, loin de la tentation de l’abstraction. Les perturbations, qui s’incarnent ici davantage dans le souffle des ondes et dans la poussière sonore que dans l’écriture et la composition même, font alors des miracles lorsqu’elles se mettent au service de la vibration, qu’elle soit intime ou physique. Le temps pulsé, de palpitation en palpitation, fait alors frétiller les machines, les pensées, les structures. Et alors la marche du temps progresse, inéluctablement : celle-là même qui efface les visages dans les souvenirs, qui raye des cartes les maisons oubliées et qui martèle, tel le tic-tac d’une horloge, l’avancée d’une dimension que l’on ne remonte pas. A l’image du morceau de clôture, March Of The Fallen Scions, où tout est mouvement et avance vers un parcellaire mais lumineux point final.
Habitué des disques plutôt courts, Louis Jucker ne déroge pas à la règle avec ces sept morceaux concis pour un peu plus d’une demi-heure de musique. De par sa sobriété, le disque évoque alors l’épure façon Mark Hollis ou les savants bricolages de The Books. Avec ce souffle léger, de fragment en fragment, où chaque respiration compte. Un concept-album au sens propre du terme qui, débarrassé des carcans démiurges et bavards du genre, s’écoute alors comme une déclaration d’amour à la dimension artisanale de la musique. Celle au centre de nos émotions et qui vibrera encore longtemps.
A ECOUTER EN PRIORITE
Seasonable, My Windy Heart, The House We Let Them Take, March Of The Fallen Scions
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