Le Volume Courbe – ‘Planet Ping Pong’

Le Volume Courbe – ‘Planet Ping Pong’

Album / Autoproduction / 09.05.2025
Experimental

C’est toujours fascinant de voir comment, au-delà du talent évident, la rareté, l’exotisme, des choix forts et une évidente singularité peuvent conférer à une artiste un statut d’icône. C’est le cas de Charlotte Marionneau, vendéenne exilée depuis les années 1990 en Angleterre, qui publie Planet Ping Pong, son troisième album seulement en vingt ans, dix ans après le précédent. Dans ce chaudron ont patiemment maturé des ingrédients lo-fi, folk, jazz et expérimentaux qui donnent une saveur inimitable à cette recette cinq étoiles.

Prenez quelques chefs de file de la pop indé : Noel Gallagher, Kevin Shields (My Bloody Valentine), Hope Sandoval (Mazzy Star), laissez les rendre un hommage appuyé à l’artiste, puis notez les références que celle-ci brandit ostensiblement (reprise de Mind Contorted de Daniel Johnston, références explicitement gainsbouriennes de Two-Love), et vous aurez accès à l’univers unique du Volume Courbe, affranchi de toute mode et tout standard, très proche cependant d’un panthéon au firmament duquel on trouverait Tess Park, Hope Sandoval, Vashti Bunyan, Sol Seppy…

Recueil de petits contes atmosphériques, empruntant volontiers à une poésie beat et punk, ironique, absurde et mainstream, Planet Ping Pong lorgne également une musicalité jazz ou électro acoustique beaucoup plus cérébrale, plaquant en guise de liant toute la candeur acidulée de la voix de Charlotte Marionnaud. Une alchimie aussi improbable que renversante qui fait mouche sur chacun des titres. Après Fourteen Years (titre déjà présent dans un EP sorti il y a quatre ans), une ouverture jazzy ouatée de saxophone, dont les rythmes chaloupés évoquent Floating Point, l’artiste nous convie dans l’intimité d’une petite berceuse dépouillée, The Moon Song, répétant en boucle son refrain nostalgique et amoureux comme un mantra. Elle multiplie tout au long de l’album, dans ses titres les plus folks, cette invitation introspective généreuse : To Know Him Is To Love Him, et ses scintillements électroniques, la reprise guitare-voix de Mind Contorted de Daniel Johnston, avec  Terry Hall et Noel Gallagher en feat, moins effondrée que l’original mais aussi habitée, ou le précieux et envoûtant Alone On The Rope confirment son fabuleux talent d’interprète.

Aux côtés de ces petites perles, tout le reste n’est que pas de côté, contrepieds, trouvailles et enchantements. Si Two-Love est une hommage si appuyé qu’il en est caricatural au Comic Strip si frenchy de Gainsbourg et Bardot, Rêve Réveiller est un trip psychédélique saturé de violoncelle sidérant et obsédant, Duffy And Mr Seagull une comptine d’enfant s’envolant en spoken word dans le monde de ses personnages télé préférés, alors que MRI Song, utilisation glaçante des bruits de l’imagerie numérique, est digne des travaux de recherche de l’IRCAM. 

Musique parfois déstabilisante, création en mouvement, Planet Ping Pong est un album mêlant une extrême pudeur et une grande exposition de soi, avec le même talent. La trop rare Charlotte Marionneau, aussi imprévisible qu’attendue, continue son travail d’enchanteresse, en équilibre très haut sur un fil où personne ne peut aller la chercher. Libre.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Fourteen Years, The Moon Song, Duffy And Mr Seagull, Alone On The Rope


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