LANE – ‘Pictures of a Century’

LANE – ‘Pictures of a Century’

Album / Vicious Circle / 19.06.2020
Power pop – punk rock

Le monde a t-il vraiment changé depuis l’époque où Les Thugs entonnaient leurs hymnes pop punk en France et ailleurs sur le globe ? Nous vivons toujours sous le joug du même capitalisme débridé, les oppressés doivent encore taper du poing sur la table pour se faire entendre, et la rébellion face aux ordres établis n’a jamais eu l’air aussi tentante qu’en 2020, année où les angevins de LANE sortent incidemment leur second effort, Pictures of a Century. Ces images du siècle qui défilent, ce sont celles de guerres meurtrières, de l’ignominie fasciste et raciste, ou celles du marché détruisant la planète et ses hommes à petit feu… Mais ce sont aussi celles de l’espoir, du vent de révolte que l’on sent poindre, qui n’est jamais aussi beau que lorsqu’il est porté par une foule débridée chantant à l’unisson le même refrain. Et ce sont aussi les souvenirs d’une contre-culture punk dont on ne peut qu’espérer qu’elle fasse encore beaucoup d’émules aujourd’hui.

Affaire familiale, fraternelle, inter-groupe et intergénérationnelle (les frères Belin de Daria, deux frères Sourice des Thugs, plus le fils de l’un d’entre eux), Love And Noise Experiment est un projet un peu à part sur la scène rock hexagonale. Si on avait apprécié la plupart des morceaux de A Shiny Day, les intentions derrière ce premier opus sorti l’an dernier manquaient toutefois encore de précision. Il fallait peut-être sortir des redites et des automatismes, apprendre à mieux se connaître, et surtout se faire confiance, pour pouvoir enfin totalement justifier de la pertinence du projet.

C’est chose faite aujourd’hui. Déjà, la rapidité avec laquelle sortent ces 13 nouveaux titres prouve que les membres de LANE sont actif et soucieux de faire exister le groupe. Mais surtout la palette des sons et ambiances s’est élargie comme jamais. On reconnaît bien entendu la ‘patte’ des Thugs et le goût des Sourice pour les ruades à pleine balle, avec ce fameux pattern rythmique inspiré du early hardcore eighties (Voices, Sing to the Last, Lollipop and Candy Cane), mais aussi ces mid-tempos aux refrains fédérateurs (So Many Loves). Ce qui relie les deux options ? Le même sens affuté de ce qui fait une mélodie prenante, que ce soit aux guitares ou aux voix. Et ce coup-ci, les ex-membres de Daria semblent s’être pour leur part souvenu des explorations sonores de leur impressionnant Impossible Colours, apportant variété, richesse et profondeur à l’ensemble, bien aidés en cela par la production de Michel Toledo. A moins que les clans Sourice et Belin n’aient fait que s’émuler l’un l’autre ici, trouvant au final l’alchimie qui permet au groupe d’exister en tant que tel.

Peu importe en fait. Colorations pop eighties (So Many Loves, It’s Only Love), atmosphère shamanique nappée d’orgue à la Black Angels (Life as a Sentence), power pop binaire et anguleuse (Discovery None), shreds apocalyptiques sur des guitares noyées de reverb, les chemins de traverses mènent ici tous à la même Rome. Et même dans les très rares moments un peu plus convenus du disque, les fins de morceaux arrivent toujours à vous tirer un petit frisson de plaisir.

Il ne reste qu’à ajouter à ce tableau la voix si typique d’Éric Sourice, rarement aussi bien mise en valeur, même à l’époque des Thugs. Il faut entendre à quelle point elle est ‘habitée’ sur le couplet de It’s Only Love, primale et urgente comme pour un chant traditionnel ou révolutionnaire. Et cette urgence, elle se retrouve bien évidemment dans les paroles elles-mêmes, de la critique lucide du tout numérique (Discovery None, Voices) à l’inquiétude environnementale (Last Generation), en passant par une célébration du Black Power particulièrement pertinente ces jours-ci (Black Gloves). Et lorsque le chanteur-guitariste de LANE, qui a dû en voir des choses, ouvre l’album de souvenirs sur Electric Thrills ou encore la chanson qui donne son titre au disque, l’émotion et la nostalgie sont palpables, tout en évitant le piège d’un passéisme auto-complaisant. Ainsi, le poignant chœur final de Pictures of a Century, qui conclue l’album, est laissé aux jeunes générations dans le groupe. Peut-être histoire de dire que les utopies d’hier n’ont pas été oubliées. Et surtout, qu’elles peuvent encore être celles de demain.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Discovery None, Voices, So Many Loves, Life as a Sentence, Sing to the Last, Black Gloves, Last Generation, Pictures of a Century


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