La Flemme – ‘La Flemme’

La Flemme – ‘La Flemme’

EP / Exag / 15.03.2024
Garage rock

Marseille bouillonne et le reste de la France l’ignore encore. La cité phocéenne s’électrise, crépite, s’enflamme sous les assauts sans complexe d’une jeune génération qui, en dehors de tout emballement médiatique, à l’écart de tout effet de mode, a redécouvert que ‘le rock, ça te prend à la gueule, et que c’est de ça dont ont a besoin’, selon les mots directs mais essentiels que nous confiait il y a peu Vicenzo Miceli de SoVox, figure incontournable de la scène garage de la ville. On avait vu flamboyer Parade, étinceler Avee Mana, pour ne parler que des groupes récents aperçus ailleurs en tournée en France, et voilà que déboule sans crier gare La Flemme, avec une énergie juvénile si contagieuse que l’on jurerait, en l’écoutant, d’avoir à nouveau vingt ans…

La Flemme, c’est la réunion d’activistes notoires de la scène rock locale : on y retrouve Jules Massa (Technopolice, Flathead, Rahewl) à la guitare et au chant, Charles Priem (Technopolice, Avenoir) à la batterie, Stella Lopez (Rahewl, Tessina) à la basse, et Ronie Marciano (Tense Of Fools) à la guitare, lequel supplée le départ récent de Nathan Hego (So Vox). Cette composition du groupe montre déjà à elle seule le caractère soudé et solidaire d’une véritable communauté rock indépendante à Marseille, expliquant sans doute l’effervescence créatrice dont elle fait preuve et qui, joint à l’éloignement géographique des scènes et autres structures musicales de l’Hexagone, produit ce sentiment éblouissant et anarchique d’urgence et de liberté. Les quatre de La Flemme enregistrent donc leur premier EP chez Romain au Peyresc Studio et là – sonnez trompettes, roulez tambours – voilà que se renouvelle le miracle du rock : écouter un groupe qui vous donne l’impression que plus rien de ce que vous connaissez et qui a façonné pendant toute une vie votre culture musicale ne compte ; que tout se passe là, maintenant, sans a priori ni réflexion, dans l’irrépressible largage des amarres provoqué par un concentré de mistral électrique. Bien sûr, on peut prendre du recul et se dire que ce qui précède est exagéré, et on aura évidemment raison. Mais la question est : pourquoi prendre du recul ? Pourquoi ne pas se rendre à l’évidence que cette folle spontanéité, ce rythme lourd mais échevelé, cette ahurissante explosion de joie produite par des guitares incendiaires, est l’expression parfaite de ce que l’on recherche dans le rock ?

C’est ici, en ce moment, dans le ventre, que ça fermente, pour pousser d’un coup et faire se réveiller tout ce qui en soi relève de l’impétuosité des instincts. Lancés à la vitesse de l’éclair, les quatre morceaux de ce premier EP expriment ce mélange de frustration, d’impatience et de désir débordant de manger le monde qui jette le feu aux poudres et nous invite à sauter dans le brasier. Il y a là du garage dans le son, ne sacrifiant jamais le caractère fédérateur des refrains pop, et l’on peut penser, en France, à Johnny Mafia ou Johnnie Carwash, à condition toutefois de combiner ces deux références avec le punk définitivement high energy des antipodes, et on n’est plus alors très loin de ce que pourraient infliger les méthodiquement et puissamment énervés de Civic. Le tout, il faut le souligner pour ce que cela a de peu fréquent aujourd’hui, dans un chant en français d’une totale et convaincante sincérité. Somnifères, Bruxisme, Sculpture et le tubesque La Crasse parlent bien de déconvenues, d’incertitudes, des multiples insatisfactions que produit la vie quotidienne, mais ces chansons transcendent tout cela pour simplement célébrer la vie : on chante fort, en choeur, des refrains inoubliables (‘Tu as la crasse, celle de cette ville, celle de ta vie !’) sur une cadence infernale qui laisse juste exsangue mais ravi.

On nous dit qu’à Marseille, on va droit au but. Mais ce culte de la réussite, on le sait, peut aussi faire qu’on aille de travers. Stella, Ronie, Charles et Jules, eux, confessent honnêtement être dans l’indétermination concernant leurs objectifs, mais cela ne les empêche absolument pas de se tenir droits dans leur désir d’étreindre le présent pour en extraire ce qu’il peut avoir de plus exaltant. La flemme, c’est sûr, a la flamme.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Somnifères, La Crasse


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