Kim Gordon – ‘The Collective’

Kim Gordon – ‘The Collective’

Album / Matador / 08.03.2024
Punk & trap indus

Après No Home Record, premier essai très réussi, Kim Gordon, bien décidée à ne pas se reposer sur ses lauriers et à continuer d’explorer les sentiers entamés il y a cinq ans, poursuit sur sa lancée avec The Collective. Devenue avec le temps une icône rock incontournable ainsi qu’une figure tutélaire de la cause féministe, l’américaine a largement dépassé son statut de simple musicienne et de bassiste au sein de feu Sonic Youth. Son goût incroyablement prononcé pour l’avant-garde et pour toutes formes d’arts pluri-disciplinaires l’a en effet conduit à se frayer des chemins parfois inattendus, ainsi qu’à faire des rencontres décisives pour le renouveau de sa carrière. Celle avec Justin Raisen est sans doute l’une des plus intéressantes à ce jour. Déjà à l’oeuvre sur le premier opus, et très à l’aise lorsqu’il s’agit de surfer entre les genres musicaux – il a notamment travaillé avec Yves Tumor, Lil Yachty, Angel Olsen, Yeah Yeah Yeahs, ou bien encore John Cale – le producteur a su trouver en Kim Gordon un écrin artistique et musical aussi passionnant que véritablement convaincant.

‘Radical’ est de toute évidence le meilleur qualificatif pour définir The Collective. Entre ses rythmes industriels qui martèlent lourdement, ses infra-basses puissantes pleines de distorsions, et ses quelques riffs de guitares aux allures de samples mi vaporeux mi tranchants, ce deuxième album est tout sauf une promenade de santé, et c’est curieusement tout ce qui fait son attrait. Bruitiste, parfois irrespirable et suffocante, l’ambiance générale se dégageant de ces onze titres est le reflet sombre d’une société au bord de la claustrophobie, et c’est par le biais de sonorités plus contemporaines issues notamment du hip-hop et de la trap d’Atlanta que l’artiste américaine réussit à se réinventer, à imager tout cela. Mieux, elle modernise ici toute la facette activiste et punk qui a fait sa légende, comme celle de son ancien groupe.

Désormais septuagénaire, Kim Gordon affiche une capacité étincelante à pouvoir s’approprier à la fois la hargne musicale de formations comme Death Grips, mais aussi les expérimentations dissonantes chères à Trent Reznor et Atticus Ross, pour accoucher d’une oeuvre tourmentée, parfois corrosive, mais toute aussi lancinante que captivante. Là où de nombreux artistes de sa génération ne se préoccupent plus que d’entretenir leur gloire passée, la new-yorkaise nous laisse en totale admiration devant cette aventure toute personnelle, à la mue sans pareil depuis la réinvention de Portishead avec Third en 2008. Brillant.

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