27 Nov 24 Kim Deal – ‘Nobody Loves You More’
Album / 4AD / 22.11.2024
Rock
Depuis la fin des Pixies (la vraie, en 1993), on ne peut pas dire que Kim Deal ait, contrairement à Frank Black, vampirisé l’espace médiatique et discographique. Il y a eu bien entendu le boulet de canon des Breeders (avec sa soeur Kelley) puis la météorite The Amps, puis… plus rien, ou si peu. Pas d’échappée solitaire, ni de collaboration opportuniste, ni de come-back et donc de ‘re’ come-back retentissant pour satisfaire son ego, son compte en banque ou ses caprices musicaux. Une présence en pointillés qui a sans doute contribué à installer une forme de légende, entretenir une aura indéniable, sans entamer son crédit artistique, la discrétion étant la marque des plus grand(e)s et ce n’est pas l’effacée Beth Gibbons, autrice d’un des plus beaux albums de l’année, qui dira le contraire.
Malgré une série de 45 tours distillés en 2013 qui semblait annoncer quelque chose de plus gros, l’idée d’un album solo de notre bassiste préférée (à égalité avec l’autre Kim, Gordon, de Sonic Youth) s’éloignait définitivement au fil des mois. Et c’est au moment où on s’y attendait le moins qu’arrive enfin Nobody Loves You More, qui prouve qu’à 63 ans, l’américaine fait encore ce qu’elle veut et qu’elle n’a surtout rien perdu ni de sa force ni de sa classe.
Fidèle à l’approche minutieuse de Kim Deal, l’album a été peaufiné sur plusieurs années. Les chansons les plus anciennes – Are You Mine? et Wish I Was – ont été écrites en 2011, peu après son départ (le second) des Pixies et son installation à Los Angeles. Les dernières sessions de Nobody Loves You More ont eu lieu en novembre 2022 avec le légendaire et regretté Steve Albini, dans son studio Electrical Audio à Chicago. Tout au long du processus, elle a fait appel à sa garde rapprochée (Mando Lopez, sa sœur jumelle Kelley Deal, Jim Macpherson, Britt Walford), Raymond McGinley (Teenage Fanclub), Jack Lawrence (Raconteurs) et Fay Milton et Ayse Hassan (Savages).
‘Je ne sais pas où je suis, et je m’en fiche‘ (I don’t know where I am / And I don’t care) sont les premiers mots qui ouvrent l’entame éponyme et ils posent le décor. Deal affiche d’emblée sa soif de liberté et d’émancipation sur un premier titre langoureux, bien loin de ce qu’on pouvait imaginer (fantasmer ?) puisque ce sont bien cordes indolentes et cuivres explosifs qui occupent tout l’espace. Bien décidée à n’en faire qu’à sa tête, sans calcul, elle enfonce le clou avec Coast, une ballade impeccable et efficace qui rappelle par endroits les progressions harmoniques des Pixies, la puissance sonore en moins. Mais les guitares ne sont pas pour autant en reste puisqu’on retrouve au milieu de compositions plus pop et posées (Are You Mine? qui traite de la démence de sa mère ou le ‘björkien’ Summerland) des sonorités familières évoquant les classiques de sa carrière que furent Pod (le déjanté disco-rock de Crystal Breath) ou Last Splash (Disobedience).
Et c’est là tout l’attrait de ce premier album, qui sait à la fois jouer sur la nostalgie et satisfaire nos attentes d’amateurs de rock alternatif des 90’s, tout en apportant une bonne dose de surprises. La plus grosse ? Cette voix impeccable, mutine la plupart du temps, mais aussi rageuse et âpre, qui prend le pari de nous embarquer où elle veut, quand elle veut et comme elle veut. Le dernier morceau, A Good Time Pushed, synthétise à lui seul la puissance artistique de Deal qui, loin de rester figée dans un passé glorieux et poussiéreux, sait au contraire en tirer parti, le questionner, même le chérir pour lui redonner son lustre d’antan. Nobody Loves You More n’est certes pas révolutionnaire mais reste impeccable de bout en bout et confirme que celle qui a influencé plusieurs générations de musiciens – de Kurt Cobain à Olivia Rodrigo – peut encore tenir en respect toute la jeune scène actuelle.
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