Keb Darge & Cut Chemist – « Lost And Found »

Keb Darge & Cut Chemist – « Lost And Found »

Lost And Found[Album]
10/09/2007
(BBE/Pias)

En 2007, nous célébrons plusieurs anniversaires funéraires: l’immense chanteuse de blues Bessie Smith nous a quittés depuis soixante-dix ans, John Coltrane depuis quarante ans, Fela Kuti depuis dix ans, et le batteur de jazz Max Roach depuis moins d’un mois… Pourtant, malgré l’influence majeure que ces artistes continuent d’avoir sur les musiques d’aujourd’hui, peu de grands medias leur ont rendu un hommage digne de ce nom. « Is it because I’m black? », comme le chantait Syl Johnson..

Car, comme au milieu des années 50’s, les projecteurs leur auront encore préféré un petit blanc bec à la gueule d’ange qui leur avait pourtant tout piqué. Le trentième anniversaire de la mort du King (enfin, du Burger King sur la fin…) n’aura logiquement pas pu vous échapper, ou alors il faudra m’expliquer votre solution miracle..

Au tout début des 50’s, les artistes du label blues de Chicago, Chess Records (Muddy Waters, Willie Dixon, Ike Turner, Howlin’Wolf, Bo Diddley, Chuck Berry…), électrisent la musique née dans les églises et les champs de cotons, inspirant rapidement des vocations dans le reste de la communauté noire (Little Richard, Fats Domino…). Le rock’n’roll est en train de naître…dans l’indifférence générale. Il aura pourtant suffi qu’Elvis Presley prenne le train en marche en 1953 en réinterprétant quelques standards pour engendrer un véritable raz-de-marée médiatique et commercial, créant ainsi le plus injuste des malentendus: le rock ne serait désormais plus qu’une affaire de blancs. De fait, des centaines de clones d’Elvis –certains sans doute plus talentueux que l’original, d’autres plus anecdotiques- vont alors envahir le jeune marché du disque

Le label BBE a aujourd’hui eu la bonne idée de demander à deux cratediggers patentés de compiler les meilleures pointures du Hillbilly, du Jump Blues et du Rockabilly pour montrer à quel point la concurrence était rude à l’époque. Keb Darge et Cut Chemist sont donc allés piocher des 78-Tours et 45-Tours d’artistes que la postérité a complètement oubliés, en dehors de quelques collectionneurs qui se les arrachent à prix d’or. Un test assez simple à réaliser: si vous connaissez plus de trois artistes à ce tracklisting (cf. Chuck Berry, Link Wray et Charlie Feathers, dont deux titres ont atterri sur les BO de « Kill Bill 1 & 2 »), vous êtes très certainement un spécialiste du genre. Ou en tout cas, je vous considère comme tel..

Keb Darge et Cut Chemist s’octroient donc chacun un CD pour dévoiler leur sélection finale. En toute sincérité, il sera difficile de départager les deux hommes, tant chacune des galettes regorge de pépites. Tout ça s’inspire du blues, de la country, du jazz New Orleans, du ragtime, tout en distribuant des coups de pied au cul au passage. Pas étonnant que les groupes de punk et de surf music se trouveront beaucoup d’affinités avec ces gifles sonores ne dépassant jamais les 3mn

L’âge d’or (en gros 1954-1959) est ici en toute logique largement représenté et il est absolument impossible de ne pas tortiller du genou en entendant, allez au hasard, Big « T » Tyler, The Night Raiders ou Ray Harris! Mais Keb Darge et Cut Chemist ont aussi voulu rendre hommage à ce mouvement musical dans sa globalité. On remonte donc en 1951, lorsque le Jesse Powell Orchestra affole déjà les âmes puritaines autour des juke boxes avec ses allusions salaces et funky. Ou en 1953, avec un énorme boogie des Little Junior’s Blue Flames, protégés de Ike Turner, dont Elvis reprendra d’ailleurs un titre un peu plus tard. On croise aussi bien sûr quelques figures emblématiques de l’époque comme Johnny Burnette, Lou Millet, McKinsley Mitchell, Rudy Greene ou Johnny Powers, qui détient à ce jour le privilège d’être le seul artiste –blanc de surcroît- à avoir enregistré pour le label Sun Records puis, des années plus tard, pour la Motown..

Mais la très bonne idée des deux sélecteurs reste d’avoir intégré au milieu de tout ce beau monde beaucoup de groupes actuels, histoire de prouver que cette musique est autrement plus vivace que ne pourrait le croire le non-initié. Bon, autant vous prévenir, ça ne saute pas à l’oreille. Les groupes de rockabilly prêtant un véritable culte aux 50’s, les morceaux sont souvent enregistrés dans les fidèles conditions de l’époque. Il vous sera par conséquent difficile de deviner l’année d’enregistrement des titres de Willie & The String Poppers (1986), High Noon (quelque part dans les 1990’s), des Flea Bops (1999), du Canadien Ronnie Hayward (2000), Carlos & The Bandidos (2001), Mark Lee Allen & The Drive Brothers (2004), Kick’Em Jenny (2004), Omar & The Stringpoppers (2004), des Anglais de Jack Rabbit Slim (2005) ou de Arsen Roulette (2006). Ne me remerciez pas, j’avais que ça à faire..

Si vous aimez habituellement les BO des films de Tarantino (The Scarlets, The Moonlighters ou The Imps auraient tout à fait mérité leur place sur la BO de « Pulp Fiction ») ou que vous êtes fans de groupes comme le Blues Explosion de Jon spencer ou Little Barrie, cette superbe double compilation devrait totalement ravir vos esgourdes et vos guibolles. Pour les autres, à offrir tout de même d’urgence à votre Tonton Régis pour qu’il réalise enfin que le rock’n’roll n’a pas été inventé d’un claquement de doigt par un jeune branleur du Sud..

CD1: Keb Darge selectionBuddy Griffin and his Orchestra 1597 : « I Got A Secret (I Ain’t Gonna Keep) »Big « T » Tyler: « Sadie Green »Rudy Greene: « Juicy Fruit « Omar & The Stringpoppers: « My Baby Don’t Breathe »Chuck Berry: « Too Much Monkey Business »Lou Millet: « Shorty The Barber »Carlos & The Bandidos: « Fever »The Scarlets: « Stampede »Ray Harris: « Come On Little Mama » (Alternate Take) Dale Vaughn: « How Can You Be Mean To Me » Willie & The String Poppers: « Oh Baby Babe »Corky Jones: « Hot Dog »High Noon: « Don’t Have A Heart Left To Break »Moonlighters: « Broken Heart »The Imps: « That’ll Get It »Jack Rabbit Slim: « Long Time Dead »Ronnie Hayward: « You Hound Ya Lie »Mark Lee Allen & the Driver Brothers: « Oil Field Is Burning »CD2: Cut Chemist selectionJesse Powell Orchestra: « The Walkin’ Blues (Walk Right In, Walk Right Out) »Little Junior’s Blue Flames: « Feeling Good »McKinley Mitchell: « Rock Everybody Rock » John Fred & The Playboys: « Boogie Children »Arsen Roulette: « Lovin’ On My Mind »Link Wray and his Wray Men: « Run Chicken Run »The Phantom: « Love Me » Johnny Clark The Four Playboys: « Jungle Stomp » The Recalls: « Nobody’s Guy »Ric Cartey: « Scratching On My Screen » Johnny Burnette: « Rock Billy Boogie » Kick’ Em Jenny: « Stressed Up »The Night Raiders: « Cottonpickin’ « Junior Dean and the Avalons: « Chick Chick » Johnny Powers with the band of Stan Getz & Tom Cats: « Long Blond Hair, Red Rose Lips » Wayne Walker: « All I Can Do Is Cry » Charlie Feathers: « Bottle To The Baby »Flea Bops: Ronnie, Preston, Wendy and Lance: « Good Time Woman »The Planet Rockers: « Batteroo »

Achetez sur :

  • Achat sur Fnac

No Comments

Post A Comment