30 Oct 18 Julia Holter – ‘Aviary’
Album / Domino / 26.10.2018
Indie folk expérimental
C’est devenu une rengaine depuis les élections de 2016 : les albums sont marqués par le climat politique actuel, en particulier pour les artistes américains. Suite à ces évènements, Julia Holter a elle ‘ressenti le besoin de s’immerger dans des sons cathartiques‘. La songwriter se mit donc à improviser aux synthés sans brider sa créativité ou la structurer en un format pop. Ce qui en émerge est Aviary, une exploration immersive de sons et textures dépeignant un monde acculé, en proie à la destruction.
Si le début de l’album laisse augurer un moment sombre, le reste nous invite à méditer sur le chaos du monde d’aujourd’hui, quoiqu’au rythme de morceaux souvent riches et chatoyants. Sa voix tantôt sombre, tantôt cristalline, en est le fil conducteur, et épouse différente formes, oscillant entre murmures (Chaitius), échos (le superbe Voce Simul) et déconstruction (‘I see! I no! I yes! I you! I ace! I hi! I say! I low! I run! I fall! I can! I true! I fool! I fog! I bad! I blue!‘ sur Les Jeux to You).
Après le très pop Have You In My Wilderness en 2015, Aviary est un successeur pour le moins déstabilisant. Julia Holter se mue en artisan des sons, et nous livre de riches et longues compositions, à l’exception du superbe single I Shall Love 2 et son enivrante ligne mélodique. Elle expérimente mais ne sombre jamais dans la cacophonie, et malgré certaines longueurs (Everyday Is an Emergency, Another Dream), la lassitude ne s’installe que brièvement. Durant 90 minutes, la compositrice nous livre un kaléidoscope d’ambiances et d’émotions, tantôt baroques ou tribales (Underneath the Moon), tantôt burlesques ou oniriques (I Shall Love 1).
Si ce voyage cinématographique dépeint un monde chaotique, Julia Holter ne cède pas non plus à l’anxiété (Why Sad Song concluant l’album). Elle rumine les émotions avec empathie et les distille avec nostalgie, en piochant dans des références aussi variées que l’histoire médiévale ou les chants tibétains. De ses compositions transpire une volonté d’insuffler de l’amour au travers de voix habilement enchâssées dans une multitude de sons (harpe et saxophone sur Voce Simul guidé par une subtile basse).
Julia Holter livre peut-être son œuvre la plus riche avec Aviary, certainement la plus complexe et la plus difficile à apprivoiser aussi. Au creux d’un paysage sombre et inquiétant, l’apocalypse selon elle revêt un caractère étonnamment enchanteur.
A ECOUTER EN PRIORITE
Voce Simul, I Shall Love 2, Chaitius
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