Johnnie Carwash – ‘No Friends No Pain’

Johnnie Carwash – ‘No Friends No Pain’

Album / Howlin Banana / 29.03.2024
Garage pop

La pochette est colorée à la manière d’un emballage de Chupa Chups. Margaux Jaudinaud, l’illustratrice, déploie une scène cartoonesque de ville où évoluent des personnages avec des visages de chiens, souriants et amicaux pour la plupart, menaçants pour quelques uns d’entre eux situés à la marge. On est dans un univers de bandes dessinées ou d’animés, où la réalité se symbolise grâce aux êtres qui, ne posant aucune question et ne renvoyant à aucune identité trop marquée, peuvent devenir les réceptacles de nos affections. En haut, un titre en lettres lumineuses, singeant de façon ironique les déclarations publicitaires et les annonces de divertissement : No Friends, No Pain. Invitation à la solitude ou acceptation de la dure réalité dans l’amitié et par l’usage bien compris de la fiction ? Le nouvel et brillant album de Johnnie Carwash pose la question, et y répondra très vite en dix titres-friandises, sucrées et acidulées comme ces bonbons de l’enfance dont la capacité à agir comme remèdes explique que l’on ne se résout jamais vraiment à ne plus consommer.

Sur Teenage Ends, en 2022, Manon Tsaheli (guitare, chant), Bastien Boudet (basse) et Maxime Frain (batterie) dégoupillaient allègrement des petites bombes punk pop, à l’irrévérence rigolarde contagieuse, mais proposaient également, à la fin, des moments touchants de compassion. No Friends No Pain exploite à fond la première direction, en y intégrant avec une certaine subtilité les éléments caractéristiques de la seconde. Ce second opus impose ainsi son unité – tous les titres baignent dans un climat festif et déroulent avec brio leurs imparables mélodies en un peu moins de 4 minutes – mais distille ça et là pastilles de mélancolie et dragées de douloureuses introspection (Aha, Anxiety, Hate Myself). Et là réside sans doute le tour de force de Johnnie Carwash, ne pas nier ce qui fait que la vie soit parfois difficile à supporter, mais s’efforcer, toujours, de surmonter ces moments plus cruels de prise de conscience en les laissant se faire absorber dans un joyeux tourbillon coloré capable de faire se relever pour danser les plus abattus d’entre nous. L’insouciance, ici, n’est qu’apparente, il faudrait plutôt parler de légèreté conquise de haute lutte, ce que signale d’ailleurs avec conviction la voix plus posée, maîtrisant pleinement sa singularité, de Manon Tsaheli. Et quand résonne le dernier titre, WALIAG, c’est devenu clair comme de l’eau de roche : on célèbre bien ici, en chantant à en perdre la voix et à s’en arracher les larmes, l’amitié quoi qu’il en coûte, et sans doute même parce que ce coût implique de payer avec ce qu’il y a de plus cher en soi.

En une trentaine de minutes essentielles, c’est bien simple, ne sont alignés, sans temps mort ni signe de lassitude, que des tubes : des ébouriffants I’m A Mess et Stuck In My head en passant par le touchant I Wanna Be In Your Band, chaque morceau possède son refrain à l’évidence pop miraculeuse, rebondissant avec une salutaire souplesse sur sa rythmique sautillante, le tout avec cette impression d’avoir été amoureusement bricolé qui fait ressortir de façon émouvante une certaine fragilité. Ce côté brinquebalant peut faire penser aux Breeders, à l’énergie irrésistible du son garage pop de Johnny Mafia, mais cependant l’infinie tendresse qui enrobe chaque titre de ce petit joyau ne peut faire penser qu’à Johnnie Carwash, qui n’a pas son pareil pour réactiver les enthousiasmes de l’adolescence pour affronter la déliquescence du monde environnant.

Photo header : Non2Non

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A ECOUTER EN PRIORITE
I’m A Mess, Aha (it’s ok), I Wanna Be In Your Band, Waste My Time, WALIAG


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