Jim Ballon – ‘Sensations’

Album / Figures Libres / 24.05.2024
Space rock

Entrons dans la transe ! À travers les époques, que ça soit du néolithique à aujourd’hui, et quel que soit l’endroit sur notre belle planète Terre, la musique a constamment joué un rôle central dans les phénomènes de transe. Nous pensons aux danses spirituelles des derviches tourneurs, aux rites de possessions des gnaoua d’Essaouira, aux commémorations des Aborigènes d’Australie, à la tarentelle dans le sud de l’Italie, ou encore au chamanisme des Kalashs au Pakistan. Avec leur dernier album intitulé Sensations, les membres de Jim Ballon – Flavien Légland (guitare, synthétiseur), Alix Beucher (guitare), Arthur Delaleu (basse) et Axel Gaudron (batterie, claviers) – viennent à leur tour stimuler nos sens et modifier l’état de notre conscience.

Les quatre compères n’en sont pas à leur premier coup d’éclat, Jim Ballon ayant déjà attiré notre attention et esquissé avec classe sa capacité à composer des petits joyaux ‘psychédéliques’ avec les albums Drying Stuff On Woodfire et Plastic Shores, ou plus récemment avec son EP Loin + Les Ondes. Né trio chantant dans la langue de Shakespeare, Jim Ballon sort de sa chrysalide en 2021 pour devenir un quartet, et proposer un répertoire poétique dans la langue de Molière. Sa musique est inclassable tant les styles se confondent. Elle est une alchimie entre voyage sonore, poésie, mysticisme et nous permet de nous échapper du réel pour passer à un autre dans lequel le temps se dilate. A l’écoute des cinq titres labyrinthiques de Sensations, nous entrons dans un état second.

Dans un monde qui va vite, trop vite, où la musique s’écoute à coup de playlists désincarnées, d’algorithmes omnipotents, les tourangeaux nous apprennent à renouer avec elle, à apprécier chaque note, chaque petit bruit. A apprécier le détail. Écouter un album de Jim Ballon, c’est comme contempler une toile de Van Gogh, de Renoir ou de Monet : nous sommes subjugués par les couleurs, les émotions que l’artiste veut transmettre. Sur Sensations, le groupe nous propose en quelque sorte deux actes : un premier sur lequel nous retrouvons Je Fixe Ce Truc Précisément qui nous happe et qui, une fois les yeux fermés, nous plonge au fin fond d’une forêt tropicale et son monde nocturne, avec le bruit d’animaux mystérieux et le bruissement du vent entre les arbres. Nous nous abandonnons. ‘Un instant, je vis dans mes yeux, je m’oublie’. Ensuite vient Ca M’Eclate Les Yeux, un voyage musical long-courrier (12’33) aux allures électro, sur lequel chaque note s’installe en nous, stimulant notre encéphale jusqu’à la montée et le drop ultime.

Le second se veut liquide avec le titre sous forme d’oxymore, L’Océan Brûle. Si le groupe cite comme influences des artistes comme Spacemen 3, Animal Collective ou encore Flavien Berger, à l’écoute de ce morceau, nous pensons plutôt à Brian Eno et à ses premiers albums ‘ambient’. Arrive La Vague, prolongement du précédent, souligne avec son texte notre impuissance face à la force des éléments. Nous sommes plongés dans le ressac, ce retour violent des vagues sur elles-mêmes quand elles se brisent contre la côte. Enfin, L’Eau Qui Me Traverse, plus court (4’50) mais au texte un peu plus long, nous surprend avec un phrasé à l’esthétique hip hop East Coast des années 80-90, le fameux boom bap, le tout saupoudré ici de guitares électriques et d’accents jazz. Grâce à la musique de Jim Ballon, nous entrons dans un état extatique, dans un monde plus grand, dans lequel l’abandon de soi est possible. Avec Sensations, le quartet de la cité Blanche et Bleue atteint le sublime !