Jazzonia – « Little Boy Don’t Get Scared »

Jazzonia – « Little Boy Don’t Get Scared »

Little Boy Don't Get Scared[Album]
16/10/2006
(Douglas/DG Diffusion)

Un album qui a à voir de près ou de loin avec Bill Laswell est un vrai problème en soi pour le mélomane averti. Quand vous voyez le chanteur Dave crédité quelque part sur un disque, vous flairez le mauvais plan… Quand vous trouvez le nom de Amon Tobin ou Roots Manuva, vous vous dîtes que c’est sans doute bien parti… Mais avec Bill Laswell, cette méthode somme toute bien pratique ne fonctionne pas du tout!

Ce bassiste/producteur touche-à-tout (funk, dub, ambient, hip hop, jazz, punk, drum’n’bass, world, musique expérimentale…) est un vrai défi à l’entendement

D’un côté, l’homme a une discographie qui impose le respect. La liste des gens avec qui il a travaillé est interminable et pourrait presque faire office de who’s who du gratin musical international. Jugez par vous-mêmes: John Zorn, Michael Stipe (REM), Ryuichi Sakamoto, Sly Dunbar, Spectre, Ustad Zakir Hussain, Iggy Pop, Coil, Bob Mould (Husker Dü), Flavor Flav (Public Enemy), Mick Harris (Scorn), Wayne Shorter, The Ramones, Vernon Reid (Living Colour), FFF, Trilok Gurtu, Pharoah Sanders, P.I.L, Nile Rodgers (Chic), Herbie Hancock, Brian Eno, Maceo Parker et des tas d’autres..

D’un autre côté, il a aussi sorti de très très mauvais disques, notamment de remixes (Bob Marley, Miles Davis…). D’ailleurs, le saviez-vous? Bill Laswell a carrément compilé un album de remixes de Enrico Macias!! Si, si, ça s’appelle « The Enrico Experience », et c’est pas terrible terrible (pourtant y avait du beau linge sur le tracklisting des remixeurs: Mike Ladd, Qaballah Steppers…). Comme quoi, le gros Bill est vraiment capable du meilleur comme du pire. Qui d’autre que lui pouvait oser inviter sur un même disque, en l’occurrence sur le premier Material, Archie Shepp, Fred Frith et… Whitney Houston?!? Vous voyez le tableau..

Cette fois-ci, son nom se cache derrière le concept Jazzonia et l’album « Little Boy Don’t Get Scared ». Sachant que cet disque a été co-produit par Alan Douglas sur son propre label (producteur de jazz légendaire ayant bossé avec John Coltrane, Duke Ellington, Charles Mingus ou The Last Poets, et à qui l’on faillit devoir un disque extra-terrestre entre Miles Davis et Jimi Hendrix), on nage encore plus dans le flou artistique..

Cet album a beau être présenté comme une nouveauté par son distributeur, on en trouve bizarrement des traces sur Internet dans des chroniques datant de 1998. Il s’agît donc plus vraisemblablement d’une réédition tardive avec nouveau visuel pour le marché français (européen?)

L’idée de départ de ce disque était de rendre hommage au mouvement « vocalese », cette évolution du « scat » inventée au début des 50’s par les chanteurs de be-bop tels que King Pleasure, Eddie Jefferson, ou Jon Hendricks, qui se sont mis à improviser des paroles sur les soli des musiciens. Laswell a feuilleté son carnet d’adresses et ainsi convié quelques grands noms du jazz, du hip hop, du funk ou de la soul pour réinterpréter ces standards de la musique populaire nord-américaine: Bootsy Collins (Parliament, Funkadelic…), Byard Lancaster (Sun Ra), Roc Raida (X-ecutioners), les cordes de Material, DXT et Grandmaster Melle Mel, parmi d’autres, se retrouvent en effet sur la guest-list..

Le résultat pourrait presque servir de métaphore pour la carrière de Laswell: parmi les huit titres de ce disque, on zigzague entre le très bon (cf. le standard cool de Stan Getz « Little Boy Don’T Get Scared », le croonesque « Moody’s Mood For Love », la drum’n’lounge jazzy de « Cottontail »…) et le plan plan (cul cul?) comme ce « I’m Gone » qui n’en finit pas, ou ce « Fade » final de Bill Laswell complètement inutile

Ne soyons pas trop dur non plus, le projet est plutôt intéressant, même si le disque ne tient pas toutes ses promesses. Ca sera toujours meilleur que toutes ces mauvaises compiles lounge pour bars branchouilles. Et je préfère de toute façon que vous y alliez à reculons, vous êtes plus sûrs d’en ressortir agréablement surpris..

M’enfin, si vous aimez vraiment ce genre de rencontres musicales (slam/rap + afro jazz + electro), nous ne saurions trop vous conseiller de jeter une oreille curieuse sur la fabuleuse compilation « The Voices Of Urban Renewal », sortie en 1999 sur Guidance Recordings, au tracklisting presque idéal (Mos Def & A.D.L.I.B (a.k.a Thavius Beck), Ursula Rucker & King Britt, Mad Professor & Chuck D, Oliver Grimball & Rahzel…) qui est, à notre humble avis, autrement plus aventureuse que ce Jazzonia mi-figue mi-raisin… « Laï laï laï laï… Poï poï poï poï!! », comme dirait l’autre…

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