
20 Sep 23 James Blake – ‘Playing Robots Into Heaven’
Album / Republic / 08.09.2023
Pop électronique
Depuis quelques albums, la musique de James Blake – teintée d’accents RNB, habitée de moins d’intensités, et semblant répondre davantage aux inspirations de muses sentimentales qu’aux nécessités cathartiques de ses productions antérieures – semblait changée. Les profondeurs existentielles de Overgrown ou The Color In Anything paraissaient progressivement colmatées, sur Assume Form d’abord dont les collaborations multiples devinrent logiquement les titres phares, puis sur un Friends That Break Your Heart plus maniéré, teinté d’une fadeur inattendue pour ne pas dire d’un sentimentalisme assez banal.
Les deux titres annonciateurs de ce Playing Robots Into Heaven laissaient entrevoir une rupture, un retour aux sources électroniques d’origine. Dès l’écoute de Big Hammer notamment, la richesse des sons annonçait du grand Blake. L’anglais était-il toujours ce génie solitaire, virtuose dans la manipulation des sons, dans la fabrication de textures, notamment vocales ? Venait-il nous rappeler qu’il est plus apte à s’épanouir en jouant avec les potards de ses machines qu’avec les touches d’un Steinway & Sons ? Un commentaire Youtube sous le clip avertit : ‘Les fans récents vont faire la gueule‘. Corollaire direct : les admirateurs des débuts, qui cherchaient en vain la sève de la musique de James Blake sur ses dernier opus, vont avoir le sentiment euphorique de retrouver un vieil ami. Loading confirmait alors à son tour les capacités du compositeur agissant sur le son en marionnettiste, semblant le guider où il le souhaite, que ce soit par modulations de synthés ou en jouant avec les hauteurs des voix, ni plus ni moins que les domaines où il excelle. James Blake joue : il trafique, triture, monte, séquence. ‘Where are my wings / They’re Loading‘ chante t-il. Icare ne se cramera plus, tant qu’il sera accompagné de ses machines.
Mais James Blake ne se contente pas de renouer avec ses passions numériques. Les collaborations avec Rosalia, Travis Scott ou Metro Boomin sont passées par là, transformant peu à peu l’artiste introverti en producteur phare. L’auteur de Mile High est ressorti de ces expériences avec une facilité à pondre des tubes jaillissant de son imaginaire avec une fluidité et un naturel déconcertants. Ainsi sur Tell Me, qui débute sur des sonorités stridentes évoquant une vieille imprimante, la facture expérimentale se mue progressivement en musique dancefloor redoutable d’efficacité. La coïncidence entre les paroles et les sons vient d’ailleurs doubler cette efficience, notamment lorsque Blake entame ce refrain aussi bipolaire que festif : ‘I’m Feeling So High / Low / High / Low‘.
Écoute après écoute, une évidence se fait jour : James Blake sait mieux que personne exploiter le grand potentiel créatif de l’autotune et du vocoder. Pourtant, Fire The Editor, titre le moins dancefloor, nous ramène à une voix moins trafiquée, pour ne pas dire neutre, comme pour rappeler que l’anglais chante non seulement magnifiquement bien sans assistance électronique, mais aussi quel type d’esthète il incarne en terme de manipulation de claviers analogiques. La vraie force de ce Playing Robots In Heaven réside d’ailleurs dans la joie créatrice qu’il communique : il ne donne qu’une envie après qu’on se soit laissés charmer par les sirènes du final éponyme, celle de se rendre chez le premier revendeur de synthés analogiques pour qu’on puisse à notre tour bidouiller.
A ECOUTER EN PRIORITE
Loading, Tell Me, Big Hammer, Fire The Editor, Playing Robots Into Heaven
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