Jack White – ‘Boarding House Reach’

Jack White – ‘Boarding House Reach’

Album / XL / 23.03.2018
Rock


Après deux premières sorties en solo, en ligne plus ou moins directe avec le blues-rock East Coast cher aux White Stripes, le prodige de Détroit nous revient suite à quatre années de relative absence, un dernier album en 2015 avec son super band The Dead Weather et une session d’enregistrements acoustiques sortie en 2016 ayant passé le temps.

Le troisième album, c’est souvent le juge de paix. Le premier présente, le second confirme quand tout se passe bien, et le troisième innove ou lasse. Ici, Jack White laisse parler son intelligence en optant pour la meilleure option, sans faire les choses à moitié. Car après avoir syncrétisé dans ses différents projets tout ce que la côte Est des États-Unis a pu produire dans le blues-rock du début du XXe, il décide ici de s’attaquer en toute simplicité à l’histoire musicale de la fin du siècle dernier, et d’en faire une sorte de manifeste.

En choisissant de se cloitrer dans un appartement miteux, loin du monde et de ses tentations, avec à ses côtés un magnétophone quatre pistes antédiluvien et autres équipements bas de gamme, Jack White a convoqué la funk des 70’s, le rock FM des 90’s, en passant par les balbutiements de l’électro et du hip-hop des 80’s. Et même si tout cela sent un peu le gros story-telling pour chroniqueur en mal d’inspiration, le côté bricolé/vintage/low-tech de l’ensemble saute effectivement aux oreilles. La réalisation est minimaliste, et bien que les compositions soient ultra riches et denses, la production sonne clairement vintage et renvoie aux douces heures des pionniers du mix de Detroit qui bidouillaient seuls ou entre potes dans leurs piaules d’ados.

Boarding House Reach débute en terrain connu avec l’efficace Connected By Love, plaidoirie rock orchestrale teintée de gospel avec ses chœurs soul, son orgue plaintif et, déjà, les percussions qui coloreront quasiment tous les autres titres de l’album. Why Walk a Dog s’inscrit dans cette lignée avec son rock FM 90’s déchiré judicieusement par une guitare agonisante et ultra saturée, rafraîchissante de violence. Puis on rentre dans le vif du sujet, et les expérimentations s’enchaînent. Souvent impressionnantes – comme avec Corporation et sa basse funky, lourde et grasse, matinée de sonorités hip-hop, son final aux accents d’émeute digne d’un Zack de la Rocha au meilleur de sa forme – elles se montrent parfois plus déconcertantes, comme en atteste Ice Station Zebra qui mélange un piano charleston, un rap white trash à la Beastie Boys et un final funky miel façon Prince.

Bien que plus cohérente, la deuxième partie de l’album part elle aussi dans tous les sens. Pour preuves, Respect Commander et son final guitar hero stratosphérique, le retour au blues country de What’s Done Is Done, le Get In The Mind Shaft très Moroder, et surtout l’implacable Over And Over And Over qui réveillerait une assemblée de mormons dépressifs avec son phrasé hip-hop martelé, sa guitare tronçonneuse et ses chœurs hystériques.

Boarding House Reach est un disque d’une immense ambition, qui veut manifestement nous en montrer. Un disque nostalgique et tendre aussi, avec la touche finale Humoresque, très jolie berceuse d’un Jack White comme on ne l’a pas entendu souvent, sur le fil et tout en émotion. L’ensemble manquant peut être parfois de liant, il est possible que les fans du blues-man auront du mal à y retrouver leurs petits. Mais voilà, le natif de Detroit signe un disque courageux, honnête, truffé de pépites incroyables, qui finit de faire de lui un artiste immense, un musicien de génie.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Connected By Love, Corportation, Over And Over And Over


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