
16 Sep 23 Irreversible Entanglements – ‘Protect Your Light’
Album / Impulse / 08.09.2023
Jazz
C’est loin d’être anodin pour un groupe affublé du qualificatif jazz que d’être signé sur le prestigieux label Impulse!. Après moins de dix ans d’existence, c’est désormais le cas d’Irreversible Entanglements qui voit son nom accolé à ceux de John et Alice Coltrane, Charles Mingus ou Pharoah Sanders. Rien que ça…
Transfuge de l’excellentissime label International Anthem, le quintet nous livre son album le plus accessible. Si les passages free jazz demeurent, l’énergie afro-futuriste alterne avec les prêches de Camae Ayewa (aka Moor Mother) nimbant les souffles cuivrés du groupe. Véritable kaléidoscope émotionnel, Protect Your Light tisse un fil constamment tendu entre tristesse (les premiers instants de Free Love et surtout Root ⇔ branch) et irrésistible joie portée, notamment, par la trompette groovy de Navarro (la fin de Free Love). Quand le morceau éponyme anime spontanément nos corps inertes, Our Land Back nous immerge dans la noirceur au gré des plaintes de saxophones lugubres de Neuringer, le principal compositeur. Cette hymne politique aux déportés ‘à qui on refuse le droit de revenir sur leur(s) terre(s)’, en Palestine ou ailleurs, est un temps fort du disque. Il illustre aussi la formule concoctée par le groupe faite de changements de rythme abrupts et inattendus relayant des messages politiques et civiques essentiels.
L’autre caractéristique singulière du collectif est à chercher du côté de Moor Mother. Telle une prêcheresse, elle est nous invite à la suivre dans son mouvement céleste (Celestial Pathways) à coups de sons presque gutturaux, avant que ceux-ci se muent en murmures se confondant avec le saxo (le doux Sunshine). Les messages sont limpides et oscillent entre revendications énervées et murmures apaisés. L’émouvant Root ⇔ branch est un hommage à Jaimie Branch décédée à seulement 39 ans l’année dernière. Les échos de trompette désolés sont subtilement tamisés par les rythmes éperdus d’Holmes noyant l’auditeur dans un tourbillon de désespoir. Pourtant, une nouvelle phase de deuil s’amorce après plus de quatre minutes lorsque le morceau évolue subitement vers des mélopées enjouées incarnant une nouvelle phase du deuil.
L’album culmine lors de son apogée qu’est Degrees of Freedom… Les prêches impérieux (‘The First step towards Justice’, ‘One day we will all will be returning’) nous promènent délicieusement à travers un paysage sonore devenu familier. Pourtant, là encore, le quintet nous surprend ; les sons énervés de batterie prenant le dessus sur les impérieuses incantations de Moor. Si Irreversible Entanglements a gagné en maturité et en renommée, il refuse délibérément le virage stylistique, tout en asseyant son propre style irrévérencieux.
A ECOUTER EN PRIORITE
Free Love, Our Land Back, Degrees of Freedom
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