03 Sep 07 Aesop Rock – « None Shall Pass »
[Album]
03/09/2007
(Def Jux/Pias)
La rentrée sera hip hop ou ne sera pas, notamment en raison de la sortie de « None Shall Pass », le nouvel album d’Aesop Rock. Peu, en tous les cas ceux qui auront toujours été sensibles à l’approche très personnelle du Mc de Brooklyn, diront le contraire. Car ce géant de près de deux mètres peut, qu’il le veuille ou non, regarder tous ses concurrents de haut.
Et pour cause, le temps de trois albums, quelques maxis, et projets particuliers (bandes originales de films, mix pour Itunes…), Ian Bavitz de son vrai nom ne s’est jamais vraiment reposé sur ses lauriers, s’est toujours appliqué à ne pas se répéter, quitte à prendre quelques risques au passage. Pour preuve, il s’est lui-même attelé à la production du dernier « Bazooka Tooth » qui, bien que sa meilleure vente à ce jour (dixit l’intéressé), ne restera pas un disque marquant si on le compare avec un « Float » ayant marqué le début d’une nouvelle ère du hip hop indépendant en 2000, encore plus avec un « Labor Days » restant encore à ce jour l’oeuvre ultime de notre homme
Encore, car « None Shall Pass » pourrait bien amener à revoir la hiérarchie interne à sa discographie. D’une, parce qu’Aesop Rock l’a abordé dans un tout autre esprit que pour ses précédents opus, celui qu’il s’est forgé durant les deux années de gestation de ce disque. En effet, ces quatorze titres transpirent ses récentes expériences personnelles, et une volonté de s’adresser à tous les âges, plus seulement aux adolescents qui auront grandi avec lui. Aesop Rock a grandi, tire son inspiration d’une maturité adulte désormais définitivement acquise, et se penche sur des thèmes communs à tout adulte: la difficulté d’être constamment jugé, les relations entre les gens qu’elle qu’en soit leur nature, et les aléas de la vie comme celui d’être amené à vivre dans une nouvelle ville (il a récemment déménagé de New York à San Francisco)
Mais n’allez pas en conclure que son registre a changé, et que ce « None Shall Pass » va en déboussoler plus d’un. Non, ou si cela doit être le cas, ce sera en grande partie en raison de la belle complémentarité de son flow avec les productions de ce nouvel album, dont la responsabilité a été partagée entre Blockhead, son compère de longue date, Rob Sonic (Sonic Sum), El-P et Aesop Rock lui-même. À cela, il faut ajouter l’omniprésence de Dj Big Wiz sur treize des quatorze titres, redonnant par la même occasion une place de choix au scratch que l’on croyait en voie d’extinction, notamment au sein de cette scène dont le seul souci est de constamment innover
Le décor est donc planté, « None Shall Pass » dispose de tous les atouts rêvés pour devenir une oeuvre influente. Et la magie se produit, chacun des titres étant assez fort pour tenir l’auditeur en haleine, si ce n’est en apnée. Des sonorités plus rock que par le passé font ainsi leur apparition, comme sur l’ouverture « Keep Off The Lawn » armée d’un beat sec et puissant, de furtifs riffs de guitare du plus bel effet qu’on retrouve également sur « Getaway Car (feat Cage et Breeze Brewin) ». Aesop Rock, et sa voix incomparable, y nage avec une aisance époustouflante, comme sur le plus rythmé « None Shall Pass » rôdant sur le net depuis déjà quelques mois, ou le pachydermique « Citronella » à la version plus radicale que jamais. Outre ces quelques innovations, c’est aussi l’ambiance et le groove retrouvés de « Labor Days » (grâce à un gros travail sur les basses) qui flatte plutôt nos oreilles, comme sur « Catacomb Kids », « Bring Back Pluto » et « Five Fingers » rappelant étrangement le « Sanity Annex » de Sonic Sum, « 39 Thieves », « The Harbor Is Yours », et le sublime « No City », posé et jazzy. Aussi, comme au sein de toutes productions Def Jux, El-P vient mettre son nez et donne de la voix sur sa propre version de « Gun For The Whole Family », amenant avec elle sa prévisible couleur expérimentale
De quoi vous laisser la bave aux lèvres en attendant le 3 septembre 2007, jour de la libération tant attendu. Exit « Float », exit « Bazooka Tooth ». « None Shall Pass », qui se termine sauf curiosité exacerbée sur un « Coffee » sublimé par la voix de John Danielle des Mountain Goats, vient littéralement concurrencer « Labor Days », et chambouler la dernière impression laissée par Aesop Rock il y a déjà quatre ans. Définitivement, cette année 2007 est un très grand cru, tant pour Def Jux (lequel de cet album ou de « I’ll Sleep When You’re Dead sera l’album de l’année?) que pour cette frange du hip hop qui n’a décidemment pas fini de nous étonner
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