Iggy Pop – ‘Every Loser’

Iggy Pop – ‘Every Loser’

Album / Atlantic / 06.01.2023
Rock

L’iguane est revenu d’entre-les morts jusqu’à devenir une sorte d’icône intouchable, au point que l’on trouverait sûrement des personnes capables de s’extasier s’il reprenait un album des Stooges au fifre et au tambourin ! A dire vrai, qui aurait parié qu’il serait le dernier survivant de la célèbre de photo de Mick Rock où on le voit, hilare, bras dessus bras dessous avec David Bowie et Lou Reed ? Personne sans doute, mais la vie aime bien prendre des chemins de traverse.

Lucide et honnête, l’américain est le premier à s’en étonner et à se moquer de ce statut. Il sait d’où il vient, ce qu’il a traversé et ce qu’il doit. Soit à peu près rien à personne. Ce qui l’a poussé à ressusciter, puis à enterrer les Stooges faute de combattants, et à continuer coûte que coûte, libre de faire ce qu’il voulait, comme cet album aux influences free jazz très justement intitulé Free. A sa sortie, il avait juré que ce serait le dernier, avouant n’avoir désormais plus grand-chose à dire et vouloir se contenter de collaborations menées au gré de ses envies. Sauf qu’Iggy Pop n’est plus à une contradiction près : voilà donc que déboule sans crier gare un 19e album studio. Une surprise, même si, selon le rythme désormais connu de sa production discographique, c’est bien un album ‘énervé’ qui vient succéder au plus tranquille Free.

L’exercice est périlleux quand on se rappelle qu’en solo, Iggy a enchaîné le meilleur (The Idiot, Lust For Life, Kill City ou Avenue B) et le pire (Beat ‘Em Up, Préliminaires) au fil d’une discographie en dents de scie, mais avec une capacité étonnante à toujours faire retomber sur ses pattes une carrière qui, jusqu’à ce jour, semblait s’achever magnifiquement avec les très réussis et successifs Post Pop Depression et Free, ainsi qu’une tournée 2022 triomphale. Et Every Looser donc. L’album est produit par Andrew Watt et joué par une brochette de ‘stars’ dont on doutait de l’apport jusqu’à la première écoute… Excusez du peu, on parle ici de Chad Smith (Red Hot Chili Peppers), Duff McKagan (Guns N’ Roses), Josh Klinghoffer (ex Red Hot Chili Peppers), Travis Barker (Blink-182), Stone Gossard (Pearl Jam), Taylor Hawkins (Foo Fighters), et comme le rappelle Rolling Stone ‘un Jane’s Addiction d’antan ‘presque’ au grand complet (Eric Avery, Chris Chaney, Dave Navarro)’.

Avouons-le, Every Looser est une agréable surprise pour qui craignait l’album de trop, et mérite à ce titre plus qu’une écoute rapide et distraite. Mais c’est aussi un disque qui va faire grincer des dents. Soyons honnête : la barre avait été placée tellement haut jusqu’à présent qu’il ne sera jamais un classique à vous faire vous relever la nuit. En revanche, ces onze titres sont un bon résumé de la carrière d’Iggy Pop en ce sens qu’ils font le pont entre mille choses déjà entendues, mais rarement ensemble. Des guitares ET des claviers, du chant Et du spoken word, des morceaux croonés ET d’autres hurlés, un œil sur le rock ET l’autre sur des tendances plus pop voire dansantes, des paroles sincères ET d’autres plus ironiques… Ici, il y en a pour le fan des Stooges comme pour celui de Bowie. Et comme à chaque album ratissant large, on y trouve logiquement du bon… et du dispensable.

Evacuons donc tout de suite l’indigent Neo Punk qui n’apporte rien au genre que le Godfather du mouvement s’était jusqu’ici bien gardé d’aborder aussi frontalement. Bien qu’ironique, ce titre est d’autant plus étonnant qu’on sait Iggy Pop plus subtil lorsqu’il faut envoyer du lourd. L’indulgence nous pousse à croire qu’il s’agit sans doute du morceau qui manquait pour finaliser un album au demeurant assez court (36 minutes). Heureusement, tous les morceaux énervés ne sont pas à la traîne. Les guitares y sont systématiquement mises en avant, sans que la section rythmique ne soit en reste, avec notamment une basse lourde vrombissant littéralement sur des titres comme Frenzy (cette introduction à la Pixies…), Every Loser ou Modern Day Ripoff. Iggy lâche les chevaux, s’arrache la voix en grondant et rugissant. Comme une constante, un rappel en fil rouge, quelques accords de piano, voire une unique note martelée, sont autant de renvois aux défunts Stooges. Qu’il s’agisse de la première période avec All The Way Down qui, avant de décoller vers des sonorités plus modernes, n’aurait pas dépareillé sur Kill City; ou de leur reformation, sur Modern Day Ripoff et son riff façon Ron Asheton.

Des morceaux plus calmes viennent ralentir le rythme, comme Morning Show qui met en avant la voix de crooner de l’iguane, mais qui se perd en route, plombé par un refrain qui donnerait presque envie de sortir les briquets. New Atlantis, qui débute au piano/guitare comme un morceau de Jack White sur Entering Heaven Alive, est en revanche plus convaincant. Plus intéressant, plusieurs morceaux viennent explorer de nouveaux territoires en lorgnant la pop (The Regency, le tubesque Strung Out Johnny), voire la dance (Comments est à tester en DJ set). Comme à son habitude, Iggy Pop a donc su surprendre et rebondir. Reste à savoir s’il aura également su convaincre au-delà de ses fans.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE

Strung Out Johnny, All The Way Down, New Atlantis


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