16 Nov 22 Horse Lords – ‘Comradely Objects’
Album / RVNG Intl / 04.11.2022
Avant rock – Math rock
Deux ans après The Common Task qui nous avait retourné le cerveau tout en nous faisant remuer sauvagement du popotin, les têtes chercheuses de Baltimore sont de retour avec un quatrième album encore plus radical que les précédents. On y retrouve toutes les marottes du groupe, dont l’esthétique repose toujours sur les mêmes fondamentaux, à savoir répétitions, polyrythmies, explorations micro-tonales et dissonances électroniques.
Petits cousins américains de This Heat tombés amoureux du rock touareg, les seigneurs chevaux fusionnent ici avec toujours autant de brio des sonorités issues du champ de la musique contemporaine avec un éthos post-punk pour un résultat parfois aride mais toujours captivant. Comradely Objects se distingue toutefois des précédents albums du quatuor par son travail de production et d’édition plus abouti (notamment sur l’excellent single Mess Mend dont les manipulations électroniques évoluent presque vers l’acid house), mais surtout par l’opiniâtreté peu commune avec laquelle ils s’abandonnent à leurs obsessions.
À travers le mouvement et la stase, le groupe s’acharne à explorer méthodiquement les limites de la perception sonore avec un regard malicieux et en ayant le bon goût de ne pas s’embarrasser de considérations mystiques. D’emblée de jeu, Zero Degree Machine s’amuse ainsi à perturber notre perception du temps en juxtaposant rythmes et motifs répétitifs à souhait, produisant une impression de dilatation temporelle jusqu’à un final cathartique plus que bienvenu. Le même goût pour l’expérimentation s’exprime sur Law of Movement, dont les textures électroacoustiques à la limite de l’audible servent d’introduction à une cavalcade krautrock irrésistible.
Cette démarche jusqu’au-boutiste trouve son apogée sur Plain Hunt on Four, le titre de clôture austère et minimaliste qui repose exclusivement sur un motif mélodique unique partagé entre guitare, saxophone et basse, et répété pendant huit longues minutes au risque de perdre définitivement l’attention des auditeurs les plus concentrés. Dans un autre registre, l’atonale May Brigade, jam au croisement du Trout Mask Replica de Captain Beefheart et du free-jazz d’Ornette Coleman, risque également d’en faire fuir plus d’un.
Cette intransigeance est néanmoins ce qui rend ce groupe passionnant, pour peu qu’on ne soit pas rebutés par ses penchants bruitistes et son goût immodéré pour l’utilisation de micro-intervalles inspirés par les musiques non-occidentales. Car loin d’être réservée à une élite de barbus pérorant le menton posé sur le poing, la musique des Horse Lords est surtout dansante, et davantage destinée au corps qu’à l’esprit. C’est particulièrement évident lors des concerts du groupe, où toutes les considérations abstraites s’effacent pour laisser place au mouvement et à la transe pure.
Plus exigeant et moins accessible que ses prédécesseurs, Comradely Objects n’en est pas moins un objet fascinant qui ne demande qu’à envoûter les oreilles les plus aventureuses.
A ECOUTER EN PRIORITE
Mess Mend, Law of Movement, Zero Degree Machine
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