12 Jan 24 Hoorsees – ‘Big’
Album / Howlin Banana / 12.01.2024
Indie pop rock
Peut-on appliquer à Hoorsees ce que Fontaines D.C déclamait sur Dogrel, ‘My childhood was small, but i’m gonna be big’ ? En intitulant son troisième album Big, le quatuor parisien ne dit-il pas que le temps est venu de grandir, de s’affirmer dans toute sa diversité et, peut-être, de récolter les fruits de son travail en rencontrant un succès commercial ? Quelles que soient les raisons du choix de ce titre, celui-ci n’en constitue pas moins une véritable déclaration d’intention qui, si elle peut paraître orgueilleuse au premier abord, prouve sa légitimité dès la première écoute car, c’est un fait, ce nouvel album non seulement voit grand mais s’est également – et largement – donné les moyens de ses ambitions.
Le son indie-rock du quatuor parisien, jusqu’ici, pouvait bien être énergique mais, fidèle à ses inspirations 90’s, n’hésitait pas à afficher sa fragilité et à tisser un lien d’intimité réconfortant avec l’auditeur. On l’écoutait de préférence dans des endroits à taille humaine, en petit comité, et cette humilité dans l’attitude comme dans l’expression avait quelque chose de touchant qui, allié à la qualité des compositions, faisait d’Hoorsees un groupe qu’il était réconfortant de retrouver. Big change la donne, et d’une manière assez radicale il faut bien le dire. On retrouve toujours la sensibilité du groupe, il est vrai, mais exprimée d’une manière paradoxale puisque d’un côté elle se fait beaucoup plus délicate que par le passé, n’hésitant pas à se confronter à l’évanescence des sentiments, mais de l’autre, en se parant d’une enveloppe musicale résistante et rutilante comme une carrosserie de voiture de luxe, elle se dote d’une impression de confiance en elle-même assez bluffante. C’est la grande réussite de Big : montrer que l’on peut assumer avec fierté et assurance la délicatesse de ses émotions, et il suffit de prendre Ikea Boy – premier single – pour comprendre de quelle façon la douceur du chant est protégée et, ce faisant, décuplée par les flamboyances de l’instrumentation.
Du point de vue des sonorités, Big fait un pari osé : croiser les guitares des Strokes avec la French Touch tendance Phoenix. Il y a là une forme de pop colorée et dynamique, dont l’ossature reste pourtant marquée par le son indie du début des années 2000. Un conseil avant d’entreprendre l’écoute, si ce n’est pas déjà fait : privilégier la voiture et s’aventurer sur un périph ou une autoroute la nuit, en laissant la musique accompagner la succession des phares, le défilement des bandes blanches au sol, les éclairs des lumières de la ville. Il faut prendre au sérieux la pochette de l’album qui nous montre une scène nocturne, dans un cadre urbain, avec des véhicules dont on ne fait que percevoir la rougeur agressive mais attirante de leurs éclairages ainsi que leurs courbes arrondies, laissant suggérer leur puissance et leur vélocité. Big est effectivement un disque qui célèbre le mouvement : la musique se développe comme une voiture glissant sur l’asphalte et dont la vitesse trouve son analogue dans l’éclat métallique continu des guitares. Pourtant, aucune agressivité dans cette démarche, juste la fluidité de l’accélération qui emporte, créant sa propre ivresse et son agréable étourdissement, facilité et justifié sur quelques morceaux par une voix féminine au bord du chuchotement et dont la proximité, juste au bord de l’oreille, met en confiance pour préparer, justement, à l’abandon dans le mouvement.
Les quatre premiers titres – Movie’s Architecture, Ikea Boy, Artschool et Charming City Life – emportent tout sur leur passage. Le raffinement bien dosé de la production, tout comme l’alternance particulièrement bien venue du chant entre Alexin Delamard et Zoé Gilbert, confirment la réussite de la nouvelle orientation du groupe. Le reste de l’album déroule, en prenant davantage son temps, une série de pop songs bien lustrées (No Vacation, Presidential Holiday) et démontre avec brio le talent mélodique du quatuor. En définitive, Big ressemble à un bolide élégamment fuselé, dont l’aérodynamisme permet à la musique de s’affranchir des limites de l’espace et du temps. Là est la grande réussite d’Hoorsees avec cet album : avoir conquis une forme de fluidité dans l’expression lui offrant par là-même toute l’étendue des voies rapides, symbolisant le vaste champ des possibles.
A ECOUTER EN PRIORITE
Movie’s architecture, Ikea Boy, Artschool, Charming City Life
Pas de commentaire