Hermit And The Recluse – ‘Orpheus vs. The Sirens’

Hermit And The Recluse – ‘Orpheus vs. The Sirens’

Album / Obol For Charon / 18.08.2018
Hip hop antique


C’est une bien petite voie que suit Kasseem Ryan depuis maintenant 10 ans. Une route sombre, qui serpente au travers de son quartier de Brooklyn, depuis son métier de soldat du feu jusqu’à ses activités de rappeur autodidacte abordant chaque partie de son travail, de la production à la vente de ses vinyles en pleine rue, par un même geste intimiste et désintéressé. Pour Ka, le rap est un art de la nécromancie, une manière de ramener de très loin des formes mortes pour les déverser dans une musique d’arcane, pleine de zones grises et d’atmosphères vacillantes.

Pour épouser toujours davantage le tragique qui sommeille au creux de ses textes, le New Yorkais s’est plongé ici dans la mythologie grecque, donnant à son propos une tournure funèbre et inéluctable, marquée par le destin déjà écrit des grandes figures antiques. Au fil de l’écoute, on croise Artémis, Hadès, et Oedipe à mesure que Ka descend toujours plus profondément dans les enfers.

Associé au producteur californien Animoss, le rappeur développe en quelques minutes des ambiances solennelles. Le beat y est souvent sous-mixé, comme délaissé face au reste. S’il y a rythme, ce dernier passe surtout par les rares accélérations du débit de Ka, qui délivre un flow appliqué et précis. Les samples de guitares sont figés dans une stase glaçante (Orpheus, Fate), un mur de cordes s’érige en introduction faussement grandiloquente (Sirens), les nappes se font poignantes, aussi rêveuses que perturbantes (Argo), avant quelques accalmies tortueuses (Golden Fleece, Oedipus). Les personnages de la Grèce antique se mélangent au fur et à mesure avec la figure de Ka. Les textes sont à l’intersection du récit urbain, et de ces références anciennes. A travers les images du rappeur, elles s’intercalent comme autant de fantômes, apportant leur symbolique éternelle à un phrasé ou le drame n’est jamais loin.

Peu soucieux des autoroutes pavés d’or qui font rêver bon nombre de rappeurs, Ka se construit dans un anachronisme fascinant. A mi chemin entre le coin du block et l’oracle de malheur, il poursuit sa route, toute pavée de fumée et habitée par un style unique, qui gagnerait à convertir toujours plus d’adeptes.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Sirens, Orpheus, Argo, Golden Fleece, Hades, Oedipus


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