Heartworms – ‘Glutton For Punishment’

Heartworms – ‘Glutton For Punishment’

Album / Speedy Wunderground / 07.02.2025
Pop gothique

Heartworms, le ver du coeur ou dirofilariose, cette maladie mortelle qui touche principalement les chiens, c’est le nom du projet tout en clair obscur de Jojo Orme (Jojo pour Joséphine), 24 ans mais ayant déjà vécu, à un âge où l’on est censé pouvoir encore se reposer sur la stabilité et la sécurité d’un foyer, un nombre anormalement élevé de galères : en famille d’accueil à 14 ans, faisant la manche à 16 ans pour payer son loyer, découvrant dans le même temps la musique comme une planche de salut et finalement recevant les faveurs de Speedy Wunderground. C’est d’ailleurs en guettant les sorties de l’exigeant et reconnu label que l’on tombe, en 2022, sur Consistent Dedication, le premier single officiel d’Heartworms. Avec sa basse tout droit sortie du Pornography de The Cure, ce morceau installait rapidement son ambiance gothique, mais se terminait de façon stupéfiante par une série de hurlements de plus en plus saisissants. ‘Ugly is the man / he’ll chew his eyes / tumble from the high / full of surprise‘ répétait alors, opiniâtre et impétueuse, Jojo Orme : l’originalité et l’intensité de la chose laissait pantois. Il y eut bien auparavant, mais on l’a su plus tard, What Can I Do, une première tentative en 2020 sur Permanent Creeps Records, mais c’est véritablement la collaboration avec l’inestimable Dan Carey qui fera naître l’artiste Londonienne à elle-même, en lui révélant son plein potentiel. Retributions Of An Awful Life, en 2023, suivait, irréprochable, combinant adroitement et à nouveau climat angoissant, basse coldwave, mais explorant avec plus d’efficacité les beats électroniques flippés. Le clip confortait l’imagerie militaire par laquelle Jojo Orme aimait se faire reconnaître depuis ses débuts (elle est toujours volontaire, le mercredi, au musée de la RAF de Londres, où elle entretient les Spitfires). A l’image, au milieu de soldats harassés et inquiets pataugeant dans un marécage, en quête de survie, si ce n’est de sens à donner à leur vie, elle s’imposait avec ce mélange bien particulier de fragilité et de détermination à toute épreuve, visible dans le regard farouche lancé à la caméra. Après un premier EP en 2023, A Comforting Notion, puis un nouveau single intermédiaire, May I Comply, s’aventurant un peu plus sur le terrain de la pop, le temps était venu du premier album : et Glutton For Punishment, qui nous arrive ces jours-ci et qui s’avère particulièrement accompli dans sa volonté de travailler davantage sur les nuances sans renier les directions prises jusqu’alors.

Just To Ask A Dance donne d’emblée le ton : après un démarrage au suspense grandiloquent, le titre montre bien les influences de son auteure, que ce soient Interpol ou The Cure et leurs ambiances bien cold, ou PJ Harvey dans sa manière de déployer le chant entre des extrêmes que Jojo Orme n’hésite pas à côtoyer. Ce premier album fraye également avec cette musique électronique qui s’efforce de tisser des liens avec le rock, comme avec Jacked qui a les airs et l’ambiance anxiogène du SwastikaEyes de Primal Scream, ou Warplane qui révèle à nouveau une certaine fascination pour la seconde guerre mondiale en racontant l’histoire d’un jeune pilote d’avion de 20 ans abattu par un avion allemand lors d’un combat aérien.

Si les aspects précédents révèlent bien une continuité entre Glutton For Punishment et les premiers singles, la véritable nouveauté vient toutefois de sa dimension résolument pop. Ainsi, Mad Catch et sa mélodie clignotante invite à danser en retrouvant le goût de l’enfance, alors que Celebrate nous immerge dans un club new wave pour, au dernier moment, faire exploser son cadre froid en libérant des cris incendiaires. D’autres morceaux peuvent, initialement, paraître plus banals dans le genre qui est le leur, mais ils se métamorphosent au moment où l’on s’y attend le moins par le surgissement d’un refrain imparable : la ballade Extraordinary Wings déroule vers la fin son émouvant mantra ‘I don’t wish murder, ‘Cause I got no right‘ et la longue déambulation de Smugglers Adventure se réinvente avec éclat dans une dernière séquence crâneuse et addictive. Glutton For Punishment, le titre qui clôt l’album, reprise acoustique de Just To Ask A Dance, le premier titre, boucle la boucle en signifiant finalement, par son côté épuré, une forme d’apaisement, et peut-être même de renouveau.

Les 35 minutes de ce premier album d’Heartworms ont beau passer très vite, toutes sont remplies de ce besoin irrépressible de s’exprimer qui capte l’attention. Jojo Orme y développe sa singularité, avec toute l’ambiguïté d’un style lui permettant à présent de contenir son énergie pour mieux affirmer la délicatesse de sa sensibilité. Et si au début du clip de Jacked elle pouvait bien confesser : ‘D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été seule‘, on peut aujourd’hui espérer qu’avec Glutton For Punishment et la reconnaissance publique que celui-ci mérite amplement, elle le sera désormais un peu moins.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Just To Ask A Dance, Jacked, Mad Catch, Smugglers Adventure

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