
31 Jan 25 Gus Englehorn – ‘The Hornbook’
Album / Secret City / 31.01.2025
Rock
On s’est tous déjà retrouvés dans cette situation pénible : sans raison apparente et déboulé de nulle part, un gosse se met à nous submerger de ses meilleures pitreries dans l’espoir de susciter chez nous un fragment de réaction qui pourrait s’apparenter à de l’approbation. Généralement, la gêne est proportionnelle à la durée du moment. Alors n’encouragez jamais ce mouflet, sauf s’il s’appelle Gus Englehorn et qu’il n’a visiblement plus l’âge d’être ainsi qualifié.
Secret City l’a fait (et a bien fait) puisqu’il sort The Hornbook, le troisième album du musicien américain – qui pourrait être british tant l’esprit et la dérision infuse (non pas la tasse d’eau tiède, je vous vois venir, mais) son univers musical. Lequel, se défendant passablement bien, se peuple, à la lecture des morceaux qui le composent ici, d’une galerie de personnages qu’on imagine tout droit sortis d’un codex médiéval défraîchi et qui n’en seront finalement rien – mais l’imaginaire est installé et c’est toute la facétie du truc.
Ce disque reprend là où s’arrêtait le précédent, tirant les ficelles d’un rock taquin aux gesticulations inattendues. Se mettant en branle sur One Eyed Jack Pt. I and II, The Hornbook arbore d’emblée mille visages : notes d’harmonica, comptine chantée faux en duo avec Estée Preda (compagne et batteuse de Gus Englehorn), saturation noisy haletante… On en sort avec l’impression d’avoir traversé les époques et défié le bon goût : le spectacle a commencé. Comme celui de ce gamin embarrassant, sans le côté piégeux de la chose.
Gus Englehorn théâtralise sa voix, joue avec les tons et ajoute un soupçon de pagaille à ses compositions sans rien ôter de leur pouvoir musical. Et c’est plutôt fortiche. Caractéristiques de ces soubresauts mélodiques, les titres The Whirlwind’s Speaking et Metal Detector offrent deux beaux moments à cet album, l’un fulgurant et l’autre dissonant – oh tiens, c’est le moment où l’on apprend que Paul Leary, guitariste des Butthole Surfers, est derrière le mixage du disque et a participé plus concrètement à Metal Detector.
Au final, les dehors un peu extravagants de The Hornbook confirme le dessein de Gus Englehorn : il ne met rien d’autre en représentation que son idée de délester l’acte de création de son aura mystique. Sans en faire des caisses sur la forme ni des préciosités sur le fond, il décline assez simplement les remous de son imaginaire décalé. Et qui de mieux placé que celui qui vit bien ses délires pour les défendre face aux autres ?
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