Guided By Voices – ‘Styles We Paid For’

Guided By Voices – ‘Styles We Paid For’

Album / Guided by Voices Inc / 11.12.2020
Indie rock

Si on se penche sur le C.V. de Robert Pollard et de son groupe Guided By Voices, y a de quoi flanquer le tournis. Pour vous faire une idée : plus de 2400 chansons, 32 albums – dont Bee Thousand et Alien Lanes qui font partie des pierres angulaires des 90’s – des EPs et des splits en pagaille… Et c’est sans parler de la vingtaine d’albums solo du bonhomme ! On peut compter sur Pollard pour éviter la panne d’inspiration comme la peste et être le pilier constant du rock lo-fi et indie depuis plus de trente ans. Styles We Paid For, leur troisième album de 2020, a eu une gestation assez particulière. En raison de la situation pandémique, il a été enregistré séparément par les membres confinés et éparpillés aux quatre coins des Etats-Unis. Malgré les difficultés que cela implique, le disque est cohérent et surtout admirablement produit. Mieux encore, le groupe réussit l’exploit d’être organiquement spontané. Robert Pollard n’est pas prêt de rendre sa couronne de génial songwriter aux mélodies puissamment imparables.

Pour un album réalisé à base d’enregistrements Zoom et de fichiers Dropbox, le rendu final est très loin des assemblages chaotiques de bric et de broc qu’on pouvait imaginer. La véritable force de Guided By Voices repose – et a toujours reposé – sur le talent de composition mélodique de son leader. Sur cet aspect, le chanteur fait mouche tout au long de Styles We Paid For.

Les idées et les styles se bousculent au portillon. Garage-rock, lo-fi, pop… C’est à croire que les musiciens souffrent de problèmes d’attention et de concentration. Ce n’est pas un reproche ou une critique amère, bien au contraire. Les changements abrupts de tempo et les détours inattendus participent au charme de l’opus. Prenons l’exemple du titre pop à la sauce alternative rock Endless Seafood, qui bifurque vers une dernière minute accompagnée d’instruments à cordes et de cuivres. Ou encore l’accélération du morceau War of the Devils qui arrive sans crier gare, avant de finir dans une brusque implosion noise. L’effet est saisissant, on a à peine le temps de digérer l’écoute que le groupe nous implore de passer à autre chose.

Bien que Guided By Voices ne sera jamais du genre à remplir des stades, Robert Pollard sait quand même écrire le genre d’hymne bon-gros-rock-à-papa qui pourrait résonner dans une énorme arène. L’entraînant Mr. Child est le genre de compo dont il a le secret. Le titre coche toutes les marques de fabrique du groupe depuis sa conception : exutoire idéal pour se défouler, jeu de guitares aux petits oignons et un air entêtant qui finit même par frôler l’obsession.

Le guitariste Doug Gillard joue le rôle de parfait homologue avec Pollard. Son style percutant et nerveux élève des titres comme le synth pop Electronic Windows to Nowhere – manifeste virulent contre la technologie invasive, écrit par un type qui ne possède toujours pas de smartphone ou d’ordinateur – et Liquid Kid. Soit dit en passant, je veux les trente dernières secondes de ce morceau en intraveineuse.

Le temps de finir cette chronique, Pollard aura sûrement écrit un album entier. Le temps que vous la lisiez, il sera disponible sur vinyle. Une chose est sûre, Guided By Voices cimente son statut de groupe légendaire et hyperactif en accomplissant en une année ce que d’autres n’arrivent pas à faire tout au long de leur carrière. On ne peut même pas leur reprocher une certaine fumisterie, puisque Styles We Paid For regorge de bonnes idées accomplies et se paie le luxe d’avoir une production impeccable. Guided By Voices est un des plus grands groupes américain rescapé des 90’s. Amen.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Endless Seafood, Mr. Child, War of the Devils, Electronic Windows to Nowhere, Liquid Kid


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