Giirls – ‘Time Of Glass’

Giirls – ‘Time Of Glass’

Album / Autoproduit / 13.09.2024
Darkwave

Cela commence avec un bruit mécanique, sans doute une cassette ou une bande magnétique ré-embobinée puis stoppée. Souvenir ou rémanence de l’analogique avant l’incursion glacée du digital sous la forme de nappes de synthétiseurs ouvrant un vaste espace que l’on devine désert, irradié d’une lumière métallique et hanté par une voix noyée dans l’écho, comme dans un songe. Quelques gouttelettes scintillantes de guitare attirent l’attention, mais sans pouvoir atténuer la sensation d’isolement dans une immensité silencieuse. C’est Pure, le premier morceau du très bel album de Giirls, Time of Glass, le projet solo de Brice Delourmel. Quatre ans après Far Reality, la synthwave de celui qui est aussi le guitariste de Dead dessine un univers paradoxal, à la fois ultra précis dans ses contours – lorsqu’il n’est pas ouvert sur un horizon infini – ou dans le rendu de ses détails, mais aussi parcouru régulièrement de vibrations ou d’ondulations rythmiques faisant disparaître cette netteté et le faisant glisser vers une forme d’irréalité grisante. Cette impression d’assister à la disparition du réel, absorbé par la puissance des fictions – celles générées par la représentation mélancolique du passé ou par l’attente inquiète de l’avenir – n’est pas la moindre des réussites de cette œuvre mêlant électro contemporaine et cold wave à l’ancienne, beats artificiels à l’impact chirurgical et atmosphères synthétiques mouvantes.

En huit titres, Giirls s’attache donc à nous faire perdre nos repères habituels. Il y a ces morceaux comme en apesanteur, Pure que l’on a déjà cité, ou Images, voguant sans but apparent, produisant le plaisir du simple flottement. Il y a aussi, avec Fears, une évocation troublante de The Cure, période Faith / Pornography, qui voit Brice Delourmel faire appel à Modern Men pour assurer des vocaux faisant remonter des souvenirs de Robert Smith. Illness, avec son son de basse à la New Order, joue également avec notre mémoire, mais catapulte la New Wave sur un dancefloor peuplé de cyborgs nostalgiques de leur humanité. Puis Obscurity et Black Horse (feat Dead) apportent de la matérialité à l’ensemble avec des pulsations froides et implacables. La tristesse d’Asylum for Evil, portée avec émotion par la voix de Francis Mallari, nous rappellera que la dimension sensible du corps n’est pas ici complètement perdue, alors que l’on croyait pourtant inévitable un rapport au réel comme médiatisé par des machines ou des prothèses cybernétiques . Et il y a aussi le très beau clip accompagnant la sortie de ce morceau en single, renforçant cette impression d’une persistance de l’humain en projetant des effets visuels éblouissants au milieu de l’espace écartant l’un de l’autre le chanteur de Rendez-Vous et la tête pensante de Giirls, comme pour mieux rendre compte de la richesse de leurs intériorités respectives. Enfin, les voix se taisent définitivement sur l’instrumental The Last Song, pour laisser, peut-être, advenir l’espoir d’une ascension vers un ailleurs plus lumineux.

Time of Glass ne s’écoutera pas dans n’importe quelle situation, on l’aura compris. Inutile de vouloir lui trouver des vertus socialisantes ou simplement euphorisantes. C’est plutôt la bande-son d’une existence isolée aux prises avec les artifices technologiques contemporains, mais qui ne désespère pas de trouver de la poésie – la plus belle qui soit – au coeur du vide qui en découle.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Fears, Obscurity, Black Horse, Illness


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