Fuzz – ‘III’

Fuzz – ‘III’

Album / In The Red / 23.10.2020
Hard rock garage

Le symbolisme du chiffre III présent dans toutes les civilisations est souvent associé à la perfection, à l’achèvement, ou à la fécondité car il permet la fusion du 1 et du 2, révélant ainsi son pouvoir quasi magique. Du moins, c’est ce que Indochine a tenté de percer dans nos esprits impressionnables il y a 35 ans avec un album hautement sensuel, érotique et mathématiquement informé, commodément nommé d’après cet idiome. C’est dans ce même esprit que FUZZ choisit de ne point s’encombrer de fioritures visiblement inutiles pour la dénomination de son dernier effort enregistré sous la seigneurie sonore du mythique Steve Albini, réputé pour ses productions brutes et minimales. Intitulé III à juste titre, le groupe revient avec un rock stoner moderne familier qui, contrairement à ses deux sorties précédentes, embrasse désormais pleinement un son de hard rock 60s/70s. Là où auparavant vous pouviez ne faire que des comparaisons, vous pouvez désormais ériger de manière officielle FUZZ sur le podium aux côtés entre autres d’Aerosmith ou Ozzy Osbourne.

Il convient tout de même de noter que le trio composé de Ty Segall à la batterie, du guitariste Charles Moothart et du bassiste Chad Ubovich signe – sans se perdre dans la sémantique – son Returning avec un énoncé direct et positif qui tient la promesse du fuzzzz… Cette ouverture médite sur le pouvoir de la solitude, de l’individualité et donne le ton de l’album en associant un rythme destructeur avec une distorsion écrasante qui gonfle et imprègne la chanson. Ici, les notes grasses et fortes de la guitare de Moothart se nourrissent des bourdonnements et de la batterie agressive du Ty. Ce jeu fort et délibérément bâclé s’accorde bien avec le ton et l’attitude de leur musique brute et lourde. Ainsi, en gardant l’accent sur les sons live du groupe, l’utilisation d’overdubs et de trucs de studio a été réduite au minimum. La maîtrise d’Albini dans la capture du son a donné au trio la capacité de se concentrer entièrement sur le jeu tout en sachant que les sons naturels allaient atterrir.

Sans pour autant réinventer l’eau chaude, Albini mélange de façon subtile la matière sous ses formes solide, liquide et gazeuse pour nous servir Nothing People construit autour de la ligne de basse contagieuse de Chad Ubovich et des coups de langue psychédéliques de Moothart. Ironiquement, le premier single de l’album, Spit, avec son ambiance rock classique ressemble le plus à une chanson de Ty Segall. Sa voix au premier plan semble presque ébranlée tant elle contraste avec le matériau plus sombre et plus lourd de l’album. Dès lors, certaines titres plus longs permettent au groupe de s’étendre dans des jams tentaculaires ‘bluesy’ et centrés sur la guitare dans Time Collapse et des cascades de tierces clairsemées d’un punk phrygien dans End Returning. Après le rétro-glam de sa batterie flambée au début de Mirror, le groupe se lance dans un groove galopant qui ressemble presque à un enregistrement d’Iron Maiden vieilli dans un bain d’acide. Entre des bribes de guitare solo harmonisée et cool, Segall chante le passé, le présent et l’avenir.

Avec III, le trio ne dément pas l’adage du XIIIème siècle ‘Tierce fois c’est droit’ et semble plus revigoré que jamais. Une exclamation anthémique de la confiance en soi où chaque chanson aborde la souveraineté sous un angle différent, amplifiant le message avec des solos de guitare brûlants et des tambours incendiaires de Segall. Une fois de plus, le turbulent californien démontre que son éthique de travail n’a d’égale que l’ampleur de ses influences et la myriade de ses nombreux projets et collaborations parallèles. L’énergie brute des performances et l’interaction entre les musiciens donnent à l’album une grande partie de son poids, son attrait et indique que la pause de cinq ans n’a rien entrepris à la vigueur du trio. A l’heure où l’horizon s’assombrit, on apprécie plus que jamais cette pyramide sonore organique et psychique reproduisant à merveille la sensation de nos tympans soufflés dans la fosse.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Returning, Spit, Time Collapse, Mirror, End returning


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