
12 Juil 19 Freddie Gibbs & Madlib – ‘Bandana’
Album / Keep Cool – RCA / 28.06.2019
Hip hop
Depuis bientôt 20 ans, le style Madlib reste inchangé. Son refus de répondre aux attentes, comme son amour singulier de la boucle et du sample lui ont progressivement offert un statut culte qui va jusqu’à en faire une icone religieuse pour certains fans. Forcément, à trop devoir s’y adapter, bon nombre de rappeurs se sont cassés les dents sur ses productions frénétiques.
Si MF Doom habitait avec brio l’univers du californien du temps de Madvillainy, c’est parce qu’il était fait de la même étoffe, qu’il partageait avec lui ce mélange d’indolence et de folie pouvant donner des formes nouvelles. L’affaire s’engageait tout autrement avec Freddie Gibbs dont le phrasé chargé d’imagerie gangsta sonnait comme un improbable défi pour s’assortir avec crédibilité à des productions soucieuses de faire leur vie sans personne. Pourtant, la magie opéra sur Pinata, et opère davantage sur ce deuxième album sonnant les retrouvailles entre le rappeur de l’Indiana et le beatmaker Californien.
Symptomatique d’un mode de collaboration plus approfondi, basé sur un travail commun en studio, Bandana permet à chacun d’exploser à sa manière. Tout au long de ces 15 morceaux, Freddie Gibbs développe un phrasé grave et profond, boulonné à une pure mythologie gangsta où se succèdent règlements de compte et défilés de gros calibres. Pourtant, tirer dans le tas n’est pas le seul angle d’attaque du rappeur qui se fait aussi plus intimiste le temps d’évoquer son passage dans une prison autrichienne au cours d’une tournée européenne (Gat Damn), et une fusillade qui ôtera la vie à son cousin (Situations). Affûté, profondément assuré de sa force, Gibbs développe ainsi une versatilité qu’il approfondit à chaque projet, et qui vient dompter ici quelques unes des plus belles productions de Madlib.
Car le talent du producteur n’est plus à prouver. Le californien continue à parfaire sa patte déclinée en complaintes (la voix profonde qui habite toute la production de Palmolive), refrains pastoraux (le sample sur Crime Pays), boucles sublimes de cordes et de piano (Fake Names et Giannis), et nouvelle cohorte de sketchs, ruptures et découpes traversant l’album comme autant de traits de caractère de leur géniteur. Par rebond, toutes ces ficelles très personnelles contaminent chaque morceau d’un Bandana dont l’atmosphère générale restera assurément une des plus marquantes de cette année.
A ECOUTER EN PRIORITE
Half Manne Half Cocaine, Crime Pays, Palmolive, Fake Names, Flat Tummy Tea, Giannis, Gat Damn, Education
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