Foxwarren – ‘2’

Foxwarren – ‘2’

Album / Anti / 30.05.2025
Indie folk

Lorsqu’on est accro à un artiste, qu’on a généreusement poncé l’ensemble de ses disques, on aborde son nouveau venu avec un doux mélange d’enthousiasme et d’anxiété, la crainte d’une déception étant à la hauteur du piédestal sur lequel on l’a installé. A la première écoute de 2, nouveau cru de Foxwarren, s’entrelacent admiration et déstabilisation car, après avoir tant aimé l’oeuvre solo intégrale d’Andy Shauf, notre souhait instinctif serait de retrouver ces atmosphères, ces ambiances, cette folk soignée et parfaitement produite qui lui est propre. Il n’y changerait rien que cela nous conviendrait, sauf que le natif du Saskatchewan n’est pas du genre à se satisfaire d’une méthode, ou à dérouler aujourd’hui les ficelles qui ont fait hier son succès.

Dès les premières mesures de Dance, le ton est donné et déroute. La texture, comme échappée d’un gramophone, les violons, et cette structure en boucle comme si elle était tout droit sortie d’un sampleur, soufflent un vent d’explorations nouvelles et ouvrent des horizons inédits alors qu’on attendait le versant le plus classique et le moins expérimental d’Andy Shauf, dans la lignée du premier album du groupe. Les paroles sont traversées d’un désir de mouvement, de groove, d’échappée – ‘All I really wanna do is dance‘ nous assure Andy. Un motif qui reviendra tout au long du disque, telle une respiration, une impulsion, une incitation à l’évasion psychédélique. On sent que les recherches du canadien, sur Norm notamment, ont laissé des traces. Sa collaboration avec Neal H. Pogue — producteur de Tyler, The Creator, déjà recruté au mixage de son précédent LP — est encore plus palpable ici. Son travail et la confiance que lui accordent les musiciens témoignent d’un virage assumé vers une musique pensée comme un collage, où samples, boucles, extraits de vieux films américains s’harmonisent ou s’entrechoquent, faisant de 2 une oeuvre aussi singulière que ses compositeurs.

Pour autant, la veine mélodique et folk qui a fait la renommée de Shauf comme de Foxwarren, est toujours bel et bien là. Elle s’étoffe, elle s’ouvre. Les échantillonnages deviennent prétexte à des signatures rythmiques plus audacieuses, comme sur Deadhead et son riff au swing aussi atypique qu’entraînant, le groove étant – on le savait déjà – essentiel à l’univers du songwriter. Même les interludes musicaux ou titres courts permettent au groupe de s’aventurer sur des territoires nouveaux : jeux sur les hauteurs trafiquées, batteries ralenties sur Havana, voix manipulée sur Again… Autant de moments qui offrent également un fil narratif à ce disque revenant une fois de plus (cinq ans après The Neon Skyline) sur la question des tensions dans le couple, notamment via l’insert de répliques extraites de vieux films qui, par leurs intonations, leur grain, donnent à l’ensemble un côté suranné venant teinter l’intégralité de l’album d’une atmosphère mi vintage – mi planante.

2 fonctionne comme une arborescence de pistes explorées par le quintet, et révèle toute l’étendue de sa palette créative. Composé en grande partie à distance, il fait des échantillons bien plus qu’un assaisonnement : ils en deviennent l’ossature. C’est tout un univers qui semble ainsi s’être ouvert à Foxwarren, et qu’on imagine déjà irriguer les futurs disques solos de Shauf, à moins que celui-ait enfin trouvé la formule qui convienne à ce besoin de contrôle total qu’il nous avouait en 2022 en nous expliquant que la composition en groupe lui était, de fait, difficile. A en croire les ramifications étendues de cet album à la fois touchant, inspiré et réellement novateur – entre ballades folk introspectives (Yvonne), accents jazz (Wings) et éclats psychédéliques (Listen2Me) – tout porte à croire que le travail collectif lui réussit finalement plutôt bien. A nous maintenant de nous laisser emporter par ses volutes sonores.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Dance, Listen2me, Strange, Havana, Yvonne

EN CONCERT

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