Floating Points, Pharoah Sanders, London Symphonic Orchestra – ‘Promises’

Floating Points, Pharoah Sanders, London Symphonic Orchestra – ‘Promises’

Album / Luaka Bop / 26.03.2021
Jazz ambient classique

L’annonce d’une collaboration mêlant les univers de Pharoah Sanders et Sam Shepherd avait de quoi laisser pantois. Entre un jeunot défrichant les allées de la musique électronique et un monument du jazz, cette nouvelle eut le don, a minima, de susciter la curiosité. Autre réaction bien légitime : ah bon, Pharoah Sanders vit encore ? Car il faut bien le concéder, la performance de Sam est d’être parvenu à sortir le bonhomme de deux décennies de calme musical, pour nous pondre rien de moins qu’un des disques de l’année.

La légende Pharoah, qui vient juste de fêter ses 80 ans, a bâti sa renommée aux côtés de monstres sacrés du jazz tels que John et Alice Coltrane, Sun Ra ou Don Cherry. C’est donc une des figures de proue du mouvement free jazz qui continue d’inspirer des artistes plus jeunes, mais essentiels, comme le King Shabaka. Sam Shepherd n’est pas non plus un inconnu. Ce défricheur à la créativité sans limite a délaissé sa carrière de chercheur en neurogénétique pour se muer en Floating Points. Sous ce pseudonyme, il délivre une musique électronique tout à fait singulière, dans laquelle s’immisce de l’ambient, du jazz et de la techno.

Comme souvent, la réunion de ces univers différents repose sur une petite dose d’incongruité. Lors d’un trajet en voiture en 2015, Sanders fut transfiguré par un passage d’Elaenia, au point de vouloir absolument rencontrer son créateur. Cette rencontre eut lieu dans les années qui suivirent. Entre passages en studio interrompus par des visites culturelles au British Museum, pour contempler les sculptures égyptiennes, les deux musiciens décidèrent de partager un moment musical.

Au cours de ces dernières années, le producteur britannique élabora une pièce de 9 morceaux, bien loin de son univers habituel. Shepherd ne s’est pas cantonné dans un rôle de compositeur, puisqu’il les a aussi habillées de parties de piano ou de sons moins conventionnels tels que de l’Harpsichord. Les compositions furent finalement enregistrées par le London Symphonic Orchestra dont la performance a été captée par une centaine de micros. En résultent 45 minutes hypnotiques, bousculant les limites genrées. On laissera les intellectuels ergoter sur le meilleur qualificatif à donner à cette musique, ainsi que sur la signification des trois couches composant la très belle pochette.

Il semble impératif d’aborder l’album d’une traite, tant elle s’apparente à une longue plage méditative, qui promet de révéler ses secrets au fil des écoutes. Débutant dans un dépouillement quasiment complet, les mouvements se déploient progressivement, rompant le silence ambiant avec délicatesse. Quelques notes récurrentes nimbent les premiers mouvements d’un parfum tamisé et invite à l’introspection. Ces notes hypnotiques ne sont que rarement perturbées par des souffles de sax le plus souvent posés tels des murmures.

Entre Movement 3 et 4, un changement s’opère et on s’immisce progressivement dans un univers plus touffu. On perçoit, en filigranes, des sortes de murmures, puis les cris tamisés et intrigants de Pharoah Sanders. Il faut attendre les mouvements 5, 6 et 7 pour que l’album change d’intensité, mais cette transition est graduelle et parfaitement guidée par le sax de l’octogénaire. L’envolée cosmique sur Movement 7 valant à elle seule une écoute, même distraite.

Les derniers mouvements incarnent l’alchimie touchante de cet album où se côtoient accents cosmiques, symphoniques et jazzeux. Et c’est bien là où Shepherd excelle. Tout au long de ce voyage céleste, une connexion semble s’établir entre les deux musiciens. Une osmose s’impose entre ces deux âmes, qui malgré deux générations d’écart, parviennent à un instant de contemplation sublime.  Au travers d’univers complètement distincts, mais animés par une curiosité musicale sans bornes, les deux musiciens nous livrent une pièce transgénérationnelle hors du temps.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Movement 7


Pas de commentaire

Poster un commentaire