Floating Points – ‘Crush’

Floating Points – ‘Crush’

Album / Ninja Tune / 18.10.2019
Electro

Sam Shepherd est un personnage aux multiples facettes, à la fois compositeur à la formation classique, docteur en neurosciences, patron de label, musicien électronique expérimental, et DJ toujours en quête de trésors inconnus. Il n’est donc guère étonnant de retrouver l’artiste là où on ne l’attendait pas vraiment avec son nouvel album.

Alors qu’il s’était progressivement fait un nom sur la scène électronique londonienne dans les années 2000 avec des prestations au mythique club Plastic People et la parution de plusieurs singles orientés dancefloor, Floating Points avait mis tout le monde d’accord avec Elaenia, premier album impressionnant qui le voyait s’éloigner de ses morceaux club pour mieux embrasser ses influences jazz sur de longues plages éthérées. Ce virage vers une musique plus organique et aérienne fut encore confirmé par la sortie de l’EP Reflections – Mojave Desert, qui le voyait s’exercer avec maestria à un space rock aux accents floydiens.

Crush ne se situe pas vraiment dans la lignée de ces œuvres orchestrales mais représente plutôt pour Sam Shepherd un retour aux sources. Essentiellement composé à la suite d’expérimentations électroniques en solo lors de prestations live en première partie de The XX où il jouait sans filet seulement accompagné de son Buchla et quelques autres machines devant 20.000 personnes, ce nouvel album à la tonalité électronique plus prononcée ressemble davantage à ses débuts, proche de l’electronica racée de ses amis Kieran Hebden (Four Tet) et Dan Snaith (Caribou).

Plus spontané que ses précédents albums, Crush reflète l’évolution de l’approche créative de Floating Points, désormais centrée sur la maîtrise de machines complexes lui offrant toujours davantage de contrôle et de précision dans la performance plutôt que dans le travail de production et de composition. Créés en cinq semaines (là où Elaenia avait nécessité cinq années de travail), les titres de l’album, alternant entre plages contemplatives à la beauté figée et beats post-dubstep, sont marqués par cette démarche aventureuse et instinctive avec plus ou moins de réussite.

Le mélange des instruments acoustiques (cordes, cuivres et hautbois) et synthétiseurs modulaires fonctionne ainsi à merveille sur la fabuleuse introduction Falaise et l’hybridation baroque de Requiem for CS70 and Strings, tandis que Sea-Watch (référence au navire du même nom) offre une très belle synthèse entre ses talents de compositeur classique et de sound designer. Les titres plus dansants offrent également des moments grisants, comme sur la planante Anasickmodular ou encore la très efficace LesAlpx (qui ressemble furieusement au Open Eye Signal de Jon Hopkins). Marquée par sa colère face au changement climatique et aux politiciens autocentrés, la musique de Sam Shepherd est ici plus nerveuse et rageuse que jamais.

Malheureusement, l’album est un peu trop disparate et assez inégal sur la longueur, et l’envie d’expérimentation de l’artiste donne parfois des résultats un peu pénibles, comme sur l’abstraite Karakul, dans l’abus de glitchs et autres contorsions sonores douteuses sur la fin de Environments, ou encore sur le titre de clôture Apoptose, Pt. 2.

Au final, Crush offre une démonstration impressionnante de virtuosité de la part de Floating Points, sans toutefois parvenir égaler les compositions majestueuses qui avaient permis à Elenia de trouver un large public.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Anasickmodular, Falaise, LesAlpx, Sea-Watch


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