11 Fév 24 Flavien Berger – ‘Contrebande 02. Le disque de l’été’
Album / Pan European / 09.02.2024
Electro chill
Il existe trois types d’albums dans la discographie de Flavien Berger. Les officiels (au nombre de trois), sa production la plus produite et arrangée, contenant une majorité de titres chantés dont certains passent en radio tant le Parisien a démontré sa capacité à signer des titres accrocheurs, calibrés pour satisfaire aussi bien une écoute passagère que plus pointilleuse. On compte aussi des projets annexes – bandes-sons pour films ou spectacles de danse, comme le très réussi Musique for Maison d’en Face sorti l’an dernier. Puis il y a des oeuvres plus expérimentales, drapées dans leurs atours de démos, présentées comme terrains d’expérience (De la Friche, 2021), annexes radiophoniques (Radio Contretemps, 2019) ou disques vendus sous le manteau (Contrebande 01,Le disque de noël, en 2015 et le second tout juste paru).
Sortir le ‘disque de l’été’ début février résume doublement l’attitude de Flavien Berger. Par une forme d’arrogance comique dans le titre, et par le décalage total entre ledit titre et sa date de sortie. Ce disque est assurément estival par ses récits d’abord, entre ballades seul à vélo le soir (Sapon), description de plongeons sous weed dans des criques (Plongeureuse), ou après-midis au bord de l’eau (Rivière); mais aussi par ses sonorités. Le petit côté dance-floor de certains de ses disques ‘officiels’ est ici relégué au second plan, les BPM sont abaissés au point d’offrir une définition de ce qu’est une musique chill (tranquille ou calme, pour les boomers). Et il se trouve que Flavien Berger est expert de ce type d’atmosphères, d’un point de vue technique notamment : pas un son ne vient agresser l’oreille, les synthés semblent avoir requis des heures de bidouillages pour parvenir à un tel degré de douceur. On pense, en comparaison ou influence possible, aux sonorités du légendaire Plantasia de Mort Garson (1976, réédité par Saddle Creek assez récemment) dont la vocation était d’aider les plantes à pousser, ou aux ambiances légères chères à Pierre Vassiliu. Un croisement très seventies, lié, dans la production du parisien, à l’absence de contraintes que lui permet la sortie de ces faux projets ‘annexes’.
Ces disques de contrebande sont pourtant davantage que des recueils de b-sides. Certes, on est en terrain d’expériences et les skits – notamment celui ou on entend un dialogue ‘C’est le producteur lui ?, il est relax, il se prend pas la tête‘ – alternent avec les jam sessions électroniques. Mais l’on est face à cette liberté contagieuse et ce lâcher prise que l’on retrouve davantage dans les lives de Flavien Berger que dans ses albums les plus populaires. Ces contrebandes forment un versant nouveau de sa production illustrant autant sa maitrise des machines que le plaisir qu’il prend à en jouer, en quasi jazzman de l’impro, dans une atmosphère vaporeuse et embrumée donnant envie au rédacteur de la présente chronique de replonger dans ses années weed.
Mais ne souligner que les prouesses mélodiques et les expériences euphorisantes de ce Contrebande 02 serait bien trop réducteur. Flavien Berger nous prouve encore ici qu’il est aussi un parolier hors-pair, quasiment poète (‘Au mileu des fougères je révise mon évasion / N’en faire qu’à mon flair, bout du nez au septentrion / nager sous les éclairs pour unique horizon‘). S’il y a donc une arrogance comique à auto-proclamer cet album ‘disque de l’été’, pas de doute que ce disque tournera dès cet hiver et jusqu’à la fin des beaux jours, comme une antidote à la grisaille et à la froideur ambiante.
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