10 Oct 24 Flanagan – ‘The Kids and The Warm Gun’
Album / Take It Easy / 04.10.2024
Modern rock
Au sein de la scène rock bordelaise, Flanagan a toujours eu une place un peu à part. Jamais vraiment là où on l’attend, aussi joueur sur les réseaux qu’ambitieux dans son projet, ce dernier semble évoluer selon ses propres règles. Après une poignée d’EP et un premier disque passé légèrement sous les radars à cause du premier confinement, le voici de retour avec un deuxième album plus ludique et touchant encore.
Avec son titre en clin d’œil à peine dissimulé à l’un des titres phares du White Album (‘I could never be a Beatles‘ appuie-t-il dans Interlude), The Kids and The Warm Gun démarre sur les chapeaux de roues pour ne jamais faiblir, sur ses 39 minutes de distance. Une collection de douze titres évoluant entre heavy rock, stoner, rock psychédélique, et même hip-hop sur le fantastique et surprenant My Jazz. Un morceau qui met en avant ses errances, son goût pour l’exploration – difficile de ne pas accrocher à ces arrangements clinquants ou à cet effet de glitch vocal sur le refrain – sans pour autant renier une sévère dimension existentielle (‘Every day goes by too fast / What I have done so far ?‘). Le cap de la trentaine oblige, l’heure est à la rétrospection et au bilan. Comment s’assumer en tant qu’adulte lorsque notre âme est encore bercée de sentiments adolescents ? Quelles sont les expériences qui nous font grandir, nous font avancer malgré nous sur le chemin de la maturité ?
Le voilà donc prêt à en découdre avec son passé, un peu comme sur cette pochette aux couleurs dégradées où il apparaît enfant aux côtés de son frère, pistolets en plastique dans les mains. La famille, ce repère qui est aussi le terrain de tous les traumatismes, des non-dits, des regrets. Et, plus encore que n’importe quel autre sujet, ce rapport au père, trop tôt disparu, emportant avec lui autant de questions que de réponses. Notamment dans un titre, le premier single, qui surplombe tous les autres : The Hill. Avec une plume frontale et sans concession, Flanagan (reprenant pour l’occasion son prénom civil) y règle ses comptes avec son géniteur mais aussi avec la masculinité toxique. ‘You don’t cure toxic manhood with a cream‘ clame-t-il sur Big Saw Johnny, morceau sous testostérone qui se joue pourtant des apparences. ‘Boys still imagine vaginas must have glitz‘ glisse-t-il également dans son Interlude, le bordelais s’armant de son humour légendaire pour nous livrer de belles saillies dans ses paroles. Souvent sans détour (Dad Is Dead, dans lequel il égraine avec poésie des moments forts de son enfance), généreux en bonnes vibrations (Grow Up comme un manifeste pour l’affirmation de soi) et jamais à court d’énergie (V.I.E, pour ‘violence is everywhere’), Flanagan s’offre même une parodie succulente de Tame Impala sur un Pachyderme assassin, ponctué par le f-word et un fiel libérateur. Ses riffs galvanisants se marient alors avec des harmonies soigneusement travaillées au niveaux des voix et des arrangements. Mélodiste accompli (il suffit d’écouter Tenten pour s’en convaincre et ne plus se sortir le morceau de la tête), amoureux des élans épiques, crâneur au grand cœur, Flanagan sait aussi se faire plus cryptique comme dans Black Flame, qui traite de l’angoisse, cette sensation aussi répandue que variée selon les individus. Une façon d’être au clair sur ses états, ses failles, ses émotions. Tout comme dans la ballade éponyme, hommage au folk le plus direct et épuré pour une conclusion idéale en forme de lâcher-prise pour une lovesong lumineuse.
Le pistolet des responsabilités braqué sur sa tempe, Flanagan choisit la plus belle des offensives : celle qui secoue, interpelle et émeut à la fois, réconciliant à la fois l’enfant, l’adolescent et l’adulte qui sommeillent en lui. Et la cible change alors de camp, touchée en plein cœur.
A ECOUTER EN PRIORITE
My Jazz, Tenten, The Hill
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