
25 Mai 19 Fire! Orchestra – ‘Arrival’
Album / Rune Grammofon / 24.05.2019
Jazz fusion
Arrival est déjà le quatrième album de Fire! Orchestra dont chaque album a bousculé nos certitudes musicales et ébranlé les frontières stylistiques. Six ans après les électrochocs musicaux Enter, Exit et le remarquable Ritual, que l’orchestre nous a-t-il cette fois réservé ? Peux t-il encore surprendre ?
Car si son magnétisme relève du sacré, il n’en repose pas moins sur un équilibre fragile. Harmoniser 28 musiciens à ses débuts, et plus modestement 14 sur cet album, relève de la performance et peut aisément basculer dans la cacophonie ou la démonstration égocentrique des protagonistes. Autour du trio jazz Fire! se sont agglutinés une ribambelle de musiciens aux qualités musicales irréprochables, pour l’essentiel basés à Stockholm. D’horizons bien différents, ils intègrent une multitude de genres, du métal au free jazz en passant par le hip-hop. Cette intégration, ainsi que le processus créatif ou les aspects logistiques ne sont donc pas une sinécure.
Surprenant et confinant à l’excellence, Arrival ébranle par son côté nettement plus acoustique qui permet de sublimer les deux chanteuses, malgré les premières minutes de (I am a) Horizon qui risquent de déstabiliser… Des cordes complètement déstructurées mènent la danse avant-gardiste, avant que la basse caractéristique de l’orchestre n’émerge doucement, subtilement, accompagnée de notes de synthés et de touches de batterie savamment distillées… Les voix liturgiques de Mariam Wallentin (par ailleurs chanteuse de l’excellent duo Wildbirds & Peacedrums) et Sofia Jernberg permettent de reprendre pied. La suite est ce que Fire! Orchestra sait faire de mieux. Aux saxophones et cuivres délicats se mélangent les cordes, le tout dialoguant harmonieusement, flottant sur ce tapis immuable de batterie et de basse, guidé par des voix stellaires qui élèvent progressivement ce morceau, avant une fin sombrant dans le chaos total.
Autre nouveauté, le collectif s’est risqué au jeu des reprises en s’appropriant les morceaux Blue Crystal Fire de Robbie Basho et At Last I Am Free de Robert Wyatt. L’album est également structuré de manière radicalement différente par rapport aux trois précédents. Aux longues pièces formant un continuum se sont substitués des morceaux ayant une identité propre. Prenez Blue Crystal Fire qui dévoile une facette complètement inattendue du big band et pourra effectivement exister individuellement.
Délibérément lesté d’une dizaine de musiciens, comme des guitares électriques et synthés au passage, l’orchestre a donc épuré son spectre musical tout en gardant sa force de percussion. Que ce soit par la basse ensorcelante de l’introduction, devenue une signature, et ce son de synthé en lévitation après les 5 premières minutes de Dressed in Smoke. Blown Away, ou par les passages groovy-free de Silver Trees guidés par les halètements et murmures des chanteuses se confondant avec les hurlements de sax et les cordes syncopées, Arrival démontre comment articuler en une osmose musicale toute puissante près de 15 musiciens surdoués qui s’écoutent, dialoguent, s’accouplent.
Vous l’aurez compris, Fire! Orchestra bouleverse les convictions, transcende les genres, probablement en émouvant plus que jamais. C’est du jazz, mais ce jazz à cause duquel, ou grâce auquel, votre pote d’ordinaire statique en concert se met machinalement, et inconsciemment, à battre du pied, tandis que l’autre, plus émotif, verse des larmes ou que le dandy endimanché, sirotant un ballon de gin dans un bar londonien, se retrouve enfin parcouru de frissons.
A ECOUTER EN PRIORITE
Blue Crystal Fire, (I Am a)Horizon, Dressed in Smoke, Blown Away
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