03 Mai 17 Feist – ‘Pleasure’
Album / Polydor / 28.04.2017
Rock folk
Six ans d’absence et tout autant de raisons de trouver que Feist manquait indéniablement au paysage musical actuel. La canadienne, de retour cette année, présente le successeur de ‘Metals‘, un album qui fut marquant pour les uns, décevant pour d’autres, mais qui globalement reçut un bon accueil et fut même certifié d’un Polaris Music Prize, l’équivalent canadien du Prix Constantin en France ou bien encore du Mercury Prize en Angleterre. Et ce nouveau chapitre de sa discographie – le quatrième – s’intitule ‘Pleasure’, un titre aux allures tapageuses mais dont le sens est en réalité bien plus profond et moins simple qu’il n’y paraît.
Désormais jeune quarantenaire, Feist pousse sur ce disque le questionnement sur des oppositions telles que le positivisme et le négativisme, sur notre capacité à changer les choses lorsqu’on le décide, et sur notre faculté à pouvoir prendre le dessus sur nos humeurs et notre moral. A coté de ça, elle s’interroge également sur des sentiments de la vie en générale, comme la peur du rejet, celle de vieillir, la honte, l’attention, la solitude. En somme, des années de réflexions sur sa vie personnelle et sur un certain nombre de thématiques, qui ont certes rendu interminable l’attente pour ses fans, mais ont conféré à l’album, ainsi qu’à son auteur, une pertinence et une profondeur qui n’étaient pas autant perceptibles jusqu’alors.
Même s’il n’y paraît pas aux premiers abords, ‘Pleasure’ est un album assez ambitieux. Sous ses sonorités lo-fi se cache une production sensible et sophistiquée (‘I Wish I Didn’t Miss You’, ‘Get Not High, Get Not Low’), et un certain sens de la théâtralité (la fin du titre ‘Any Party’). Accompagnée par ses collaborateurs de longue date, Renaud Letang et Mocky, Feist réhabilite ici l’authentique folk, mais en y insufflant ses racines punk et rock (‘Pleasure’, ‘Century’, ‘I’m Not Running Away’) ainsi que beaucoup de modernité et d’ingéniosité dans les arrangements. Et ce souffle continu que l’on distingue tout au long du disque, et que les producteurs font habituellement disparaître par soucis de perfection sonore, donne à l’auditeur le sentiment rare de se sentir présent pendant que la musique opère, lui permettant ainsi de pouvoir mettre des images sur ce qu’il entend.
On est peut-être très éloigné de la perfection pop qu’affichait ‘The Reminder’ en 2007, mais ‘Pleasure’ est à sa manière un album tout aussi innovant, qui restera sans doute le plus frontal, le plus brut et spontané de la discographie de Feist. Il ne s’apprivoise pas facilement car il fait partie de ces disques à retardement que l’on parcourt s’en réellement s’en rendre compte mais qui, lorsque la dernière seconde s’achève, interpellent et cognent assez fort l’esprit pour qu’on veuille tout de suite s’y replonger. Il y a ici à la fois tellement de vulnérabilité affichée mais aussi tellement d’assurance qu’on ne peut qu’en ressortir admiratif. La canadienne peut bien prendre le temps qu’elle souhaite pour concevoir un autre album, ce sera éternellement un plaisir de retrouver l’artiste atypique qu’elle est.
A ECOUTER EN PRIORITE
‘Pleasure’, ‘I Wish I Didn’t Miss You’, ‘Lost Dreams’, ‘Century’
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