29 Avr 24 Fat White Family – ‘Forgiveness Is Yours’
Album / Domino / 26.04.2024
Pop rock psyché
Junkies, nihilistes, ingérables en promo comme en tournée… Beaucoup de choses ont été dites sur Fat White Family. De quoi même se demander si les anglais ne forçaient pas un peu le trait pour coller à l’image fantasmée du rockeur anti-conformiste et infréquentable, quitte à friser le ridicule à la quarantaine bien tassée. De quoi également forcer l’admiration devant la détermination dont a fait preuve Domino au moment de prendre sous son aile ces dégénérés notoires qui, par chance, au moment de sortir Serfs Up!, première référence pour le label, se sont décidés à sortir du tunnel de drogues dans lequel ils s’étaient engouffrés longtemps auparavant.
Cinq ans plus tard, voici le groupe de retour après avoir mis toutes ses facultés retrouvées au service de l’album le plus sophistiqué de sa carrière, également la bande son d’une descente apparemment difficile. Car si Fat White Family a ici mis toutes ses capacités en ordre de marche pour des compositions parfois dépaysantes, ce quatrième disque est aussi un retour brutal à la réalité que Lias Saoudi, en tête de file, se prend en pleine figure et expose tout au long de ces onze nouveaux titres, non sans ressentir quelques regrets sur un passé qu’il ne pourra jamais réécrire. Il fait ainsi de Forgiveness Is Yours une ode au désenchantement, à l’acceptation du présent devant un futur qui, irrémédiablement, ne réserve rien de bon. Dès l’introductif The Archivist, bonjour l’ambiance : la vie est définitivement moins fun sans psychotropes !
Tout comme le départ soudain et définitif de Saul Adamczewski durant l’enregistrement, aucune incidence côté musique. Suite au virage pop amorcé avec Serfs Up!, ce nouvel album rappelle avec brio que Fat White Family n’est jamais à court d’idées, que les sud-londoniens suivent leurs envies sans jamais se préoccuper des attentes des fans de la première heure, quitte à les laisser sur le bord de la route. Ils varient donc les plaisirs comme si c’était la dernière fois, qu’ils rendent hommage à John Lennon avec un titre gainsbourien tout en volutes psyché, arpèges et flûte de gnome sous LSD; qu’ils se lancent dans des cavalcades sur fond d’electro (Work, Feed The Horse), une magnifique symphonie miniature (Religion For One), une pop exigeante (What’s That You Say), une bossa nova perchée (Visions Of Pain); ou qu’ils s’adonnent à une disco-pop froide faisant aussi la part belle à la musique maghrébine qu’affectionnent les frères Saoudi (Bullet Of Dignity). Bien qu’improbable, le mélange fonctionne !
Mais on retiendra surtout de Forgiveness Is Yours ses élans les plus jusqu’au-boutistes, ces morceaux plus expérimentaux pour lesquels le groupe a délibérément chahuté sa santé mentale. ‘Ma seule ambition est de gagner assez d’argent avec la tournée qui va suivre, pour payer les années de psychothérapie haut de gamme dont j’aurai besoin pour aller de l’avant’ a d’ailleurs déclaré Lias. Sans doute qu’il parlera du schyzophrènique Polygamy is Only For the Chief à son thérapeute, comme des nombreux sujets intimes abordés tout au long de ce disque : notamment ses rancoeurs et son narcissisme (Religion For One), son enfance sous l’influence du grand frère évoquée par un Today You Become Man à la verve purement anglaise.
Conclu par un You Can’t Force It refermant le rideau sur un air de cabaret inattendu, Forgiveness Is Yours suinte le vécu et l’expérience, défend une créativité à toute épreuve concrétisée ici par une diversité telle qu’il peut être difficile de l’écouter d’une seule traite. Soyez rassurés, une seule chose n’a pas changé au sein de la Fat White Family : sa propension à se moquer éperdument de votre avis comme de votre petit confort.
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