07 Sep 24 Fat Dog – ‘Woof.’
Album / Domino / 06.09.2024
Rock
Cela fait plusieurs mois que Fat Dog écume à un rythme tout bonnement infernal festivals et salles de concerts un peu partout en Europe – et maintenant dans le monde – bénéficiant d’une hype exponentielle à la faveur de performances live complètement dingos. L’un de leurs techniciens nous le disait : ‘tu appuies sur le bouton au début du concert et la fusée décolle à fond pour ne plus jamais redescendre‘. Et effectivement, Joe Love (chant, guitare) – la tête pensante de cette formation du sud de Londres, un grand énergumène mélangeant habilement désinvolture et franche déconnade – et ses acolytes Chris Hugues (claviers), Morgan Wallace (saxophone, claviers), Johnny ‘Doghead’ Hutch (batterie), Ben Harris (Basse) n’ont pas leur pareil pour décoincer les publics les plus récalcitrants avec un mélange plutôt détonnant de rock, de dance music, et d’influences tziganes ou juives. Pour peu que l’on soit prêt à danser et à se marrer, Fat Dog est bel et bien ce qu’il nous faut.
La réputation des anglais, déjà bien justifiée par une persévérance et une explosive exubérance sur scène – pas moins de 90 concerts en un an, quand même -, grossira-t-elle pour s’établir durablement avec la sortie de Woof, son très attendu premier album co-produit par Joe Love et James Ford (Fontaines DC, Arctic Monkeys, Blur…) ? Une chose est certaine, ce dernier est à l’image du groupe : délirant et remuant, combinant déclarations ésotériques (‘You can kill the man, but you can’t kill the dog’), énergie punk, autotune (parfois), beats électro monstrueux (quasiment tout le temps), et sonorités orientales festives. Un album qui passe les traditions musicales à la moulinette sans pitié d’une vision bouffonne du futur pour mieux signifier à l’époque son absurdité. Si on excepte Clowns et I Am The King, deux morceaux plus calmes mais pas forcément plus raisonnables dans l’état d’esprit, le rythme est tellement élevé que l’on finit par éclater d’un rire libérateur. Passée l’intro de Vigilante, dont l’emphase croissante a uniquement pour but de lâcher prise avec l’arrivée d’une rythmique électro surpuissante, le cocktail des genres fonctionne à plein régime, tout à tour martial et arrogant (All The Same), frénétique et cathartique (Wither, Running, parfaits pour tester son cardio) ou inventif et étourdissant (King Of The Slugs, formidable premier single).
On frôle régulièrement le mauvais goût, et les excès pratiqués ici ne craignent jamais le ridicule, mais c’est sans doute ce refus de respecter les conventions et normes tacites à l’oeuvre dans les différentes scènes musicales d’aujourd’hui qui rend Fat Dog intéressant et réjouissant. Joe Love et ses compagnons assument complètement mais sans complaisance leurs travers, permettant en retour à l’auditeur de prendre du plaisir avec certaines recettes éculées utilisées – celle de la dance music par exemple – tout en gardant une distance critique par rapport à celles-ci.
Le problème de Woof, toutefois, c’est qu’en trente et une minutes seulement et sur les neuf titres présents sur l’album, cinq sont déjà sortis en single et que le dernier – And So It Came To Pass – s’avère juste une outro parlée de quarante quatre secondes. Si l’on est donc déjà coutumier des aventures de Fat Dog, il faudra se satisfaire de trois véritables nouveaux morceaux, ce qui, franchement, est assez frustrant. On repassera donc pour l’effet de surprise, que l’on pouvait avoir tout au long des derniers mois écoulés lorsque le groupe dégoupillait ses singles comme autant de bonbonnes de gaz hilarant.
L’avenir dira donc si Woof présentait des signes d’essoufflement chez Fat Dog ou s’il cherchait plutôt à faire joyeusement et efficacement le bilan de mois passés sur les routes à tester un matériel dont les effets sont à peu près équivalents à ceux que l’on expérimente dans un parc d’attraction. Joe Love et sa bande, on s’en doute, ne se posent pas ce genre de question, et c’est parce qu’ils possèdent ce grain de folie qui permet de se focaliser pleinement sur le moment présent que l’on est prêt, malgré certaines réserves, à se laisser aller aux aboiements euphorisants de leur chien surdimensionné.
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